Volontarisme agricole
« Jacques Chirac refusait tout changement de la politique agricole commune. C'était “touche pas à ma PAC jusqu'en 2013”. Rupture, rupture, Nicolas Sarkozy, lui, veut au contraire profiter de la présidence française de l'Union européenne au deuxième semestre 2008 pour préparer un nouveau cadre et construire “une agriculture de premier plan en France et en Europe”. Il veut revoir notamment le système des aides. Pour que les exploitants vivent de la vente de leurs produits plutôt que des subventions.
La conjoncture est de son côté, il est plus facile de réformer quand il y a de l'argent. C'est que le décor n'est plus le même. En matière agricole, l'Union européenne a connu deux phases contradictoires. De 1960 à 1992, c'était 'toujours plus'. Bruxelles encourageait à la production. (…) Et puis voilà que plus rien n'est pareil : aujourd'hui les stocks sont au plus bas, le prix des céréales a explosé (+60% en deux ans), le prix du lait a doublé. On parle même de pénurie possible. (…) Nicolas Sarkozy le dit : « l'agriculture doit être un pilier essentiel de l'économie ». Un espoir pour la croissance. Son discours devant les agriculteurs, à Rennes, a plu par son volontarisme. Il redonne de la fierté à ceux qui peuvent espérer ne plus avoir à tendre la main à Bruxelles pour vivre dignement.
Mais les agriculteurs sont restés sur leur faim. D'abord, question de style, Nicolas Sarkozy va trop vite : il arrive en retard, termine la visite du salon avant l'heure, caresse deux vaches, serre quelques mains, toujours pressé, le regard ailleurs. Puis il lit son discours, un signe de la main et il repart, portable à l'oreille, entouré d'une armada de policiers. C'est « brève rencontre ». Frustrant. Là, c'est une vraie rupture avec Jacques Chirac, qui prenait son temps et usait de calinothérapie. Et puis les paysans, que l'on sait d'éternité méfiants, jugeront aux résultats. Parce que la politique agricole commune se décide à vingt-sept. C'est souvent une longue patience. Tout ce que n'aime pas ce président, qui a l'habitude de trancher dans le vif. Et seul. »