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Vitalité des marchés de gros au sud de l'Europe


> Pour Manuel Estrada, président de l'Union mondiale des marchés de gros, « il n'y a pas forcément besoin d'infrastructures supplémentaires autour de la Méditerranée ».
Dans l'espace euroméditerranéen, les marchés de gros importants dans la commercialisation des produits alimentaires réfléchissent à leur avenir. Au dernier salon Medfel, il était question d'internationalisation, mais aussi de la carte locale pour assurer leur développement.

Chahutés par l'emprise croissante de la grande distribution dans le monde occidental, les marchés de gros doivent, sinon se réinventer, au moins démontrer leur pertinence dans le paysage. C'est en substance la conclusion que l'on pouvait tirer du débat organisé à l'ouverture du Medfel à Perpignan fin avril.

Nos marchés sont dynamiques, mais il ne faut pas s'endormir sur nos lauriers

” L'importance de la présence des marchés de gros a notamment été soulignée par leur statut même. Dans l'espace méditerranéen, ce sont le plus souvent des outils publics et lorsqu'ils sont privés ou privatisés, ils sont chargés d'une mission de service public. « Il n'y a guère, finalement dans le sud de l'Europe, que certains pays de l'ex-sphère d'influence soviétique où les marchés de gros, par rejet de l'État, sont d'emblée privés », expliquait Manuel Estrada, président de l'Union mondiale des marchés de gros. « Nous avons de la chance parce que dans l'espace euroméditerranéen nos marchés sont très dynamiques, pleins de vitalité, mais il ne faut pas s'endormir sur nos lauriers », prévenait-il ensuite. « La France a un positionnement médian dans ce concert », précisait ensuite Maguelone Pontier, secrétaire générale de la Fédération des marchés de gros français. « Les pays du nord de l'Europe ont connu une très forte conquête de la grande distribution, quand les pays du Sud ont vu le commerce traditionnel, de détail, encore parvenir à résister à cet appétit des distributeurs. » Ce qui se profile, de l'avis des participants à la table ronde, c'est une solution mixte pour l'avenir, où la gestion pourrait être privée avec un financement public et une demande de garantie sanitaire certifiée par la puissance publique, ou une gestion publique avec des investissements privés, pour pallier le rétrécissement des budgets des États ou des collectivités.

PERPIGNAN : L'INAUGURATION REPORTÉE

Initialement prévue en préambule du Medfel, l'inauguration de la nouvelle halle aux carreaux du marché de gros de Perpignan a finalement été repoussée à l'automne prochain. L'agglomération perpignanaise, qui en a repris la gestion en 2010, a investi 5,5 millions d'euros dans cet outil couvert de 8 000 m2 de panneaux solaires. 200 producteurs et 200 acheteurs s'y rendent six jours par semaine, venus des Pyrénées-Orientales, mais aussi des départements voisins. La halle se déploie sur 14 000 mètres carrés.

Cluster plutôt que marché

Au marché de Barcelone(1), on veut voir l'avenir en face, s'y préparer et si possible influer sur les évolutions. « Maintenant en Espagne, on ne parle plus de “ marché de gros ”, mais plutôt d'“ unités alimentaires” ou des “ clusters alimentaires ”. C'est-à-dire que nous avons effectivement les produits, mais que nous avons en plus intégré des entreprises qui sont en mesure d'apporter de la valeur aux produits, jusqu'à accueillir par exemple des petites plateformes d'achats de la grande distribution », détaillait Pablo Vilanova, directeur stratégie et marketing de Mercabarna. C'est ce même chemin emprunté par le marché de gros de Perpignan. « L'agglomération a investi fortement pour revoir l'organisation du marché et l'ouvrir à d'autres activités économiques que la pure production », indiquait Gilles ” Foxonet, président du marché et vice-président de l'agglomération. Élu local, il insistait aussi sur la dimension de moteur de l'économie locale que pouvait représenter un tel équipement pour les territoires. « Avec cette stimulation de l'économie et de la production locale, les marchés de gros participent à la création d'emplois et aussi à la préservation des ceintures vertes des agglomérations », justifiait Maguelone Pontier.

Nous accueillons à Mercabarna des acheteurs venus de l'Europe entière

Faut-il alors aller chercher la croissance à l'étranger ? Les différents orateurs en sont restés aux déclarations de principe. « Oui, il va falloir que nous inventions de nouvelles formes d'organisation, reconnaissait Manuel Estrada, sans qu'il soit forcément besoin de créer de nouvelles infrastructures. Mais nous avons besoin de mieux nous organiser en effet pour faire circuler les produits frais, limiter les pertes... »

Internationalisation en route

« À Barcelone, nous réfléchissons à ces questions bien entendu, mais tout est encore à l'état de projets. Depuis de longues années nos entreprises ont été pionnières dans l'importation de produits en provenance par exemple d'Amérique du Sud, témoignait Pablo Vilanova. Nous avons aussi des grossistes qui ont intégré la production de contre-saison dans leur activité. Mais cela n'a été rendu possible que par les facilités logistiques dont nous disposons avec le port et l'aéroport. » Le marché de Barcelone a aussi beaucoup travaillé au développement de l'exportation. « Aujourd'hui, nous accueillons à Mercabarna des acheteurs venus de l'Europe entière. Les flux sont déjà ainsi composés avec 30 % d'importations en fruits et légumes, des pommes et des pommes de terre principalement, tandis que l'export représente 20 % des flux. »

« Certains marchés ont déjà effectué cette mutation vers l'internationalisation. À Padoue, par exemple, 60 % des produits sont exportés depuis le marché de gros et les grossistes sont spécialisés », ajoutait Manuel Estrada. Maguelone Pontier préfère, elle, s'appuyer sur la volonté du gouvernement d'imposer 40 % de fournitures locales aux collectivités locales pour la restauration collective.

« Oui, c'est important le local »

« Nous travaillons à cette question avec le réseau Restau'Co notamment, les marchés sont certainement le seul outil capable de massifier l'offre locale pour répondre aux besoins des collectivités », a-telle poursuivi. Un levier qui va de pair avec le consommer local plébiscité, dit-elle, par les consommateurs. « Oui, c'est important le local, concédait ensuite Pablo Vilanova, mais j'insiste vraiment sur la notion de complémentarité. Chez nous, la demande va autant vers du local que du produit d'importation. »

Preuve que la question est importante, au-delà du bassin méditerranéen, Manuel Estrada concluait : « La plupart des marchés de gros ont conservé un espace pour que les producteurs locaux puissent venir vendre leur produit. Mais au fil du temps, leur masse critique a diminué sous l'effet de la démographie et de la concurrence des réseaux de distribution. Aujourd'hui, il faut que les marchés de gros considèrent que tous les acteurs du marché, même les petits producteurs sont des clients, et que ces deniers apportent sur le marché des produits de grande qualité. Et ils trouveront acheteurs. » Yann Kerveno

(1) Mercabarna est le lieu de transit de 2,5 millions de tonnes de produits (fruits et légumes, poisson, viande, fleurs…) annuellement. Les fruits et légumes représentent une part très conséquente avec 1,7 Mt annuelles. Le marché de gros compte 150 entreprises.

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