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Vincent Chatellier, Inrae : « ne gâchons pas le potentiel agricole de la France »

L’analyse réalisée par le chercheur en économie de l’Inrae Vincent Chatellier concernait la place de l’UE 27 et de la France dans l’internationalisation des marchés agricoles et les défis posés pour les productions animales françaises. Il ne faudrait pas gâcher notre potentiel productif en ne répondant pas à la diversité des marchés qu’ils soient internes ou externes.

Vincent Chatellier, chercheur en économie de l’Inrae, lors du Carrefour international des matières premières.
© Yanne Boloh

En soixante ans, les prix agricoles internationaux, exprimés en termes réels, ont fortement baissé, les gains de productivité réalisés dans les filières ont ainsi largement profité aux consommateurs. Depuis 10 ans, le revenu des éleveurs français, surtout de bovins, a peu progressé en dépit d’importants gains de productivité. Le faible niveau de revenu du travail, du moins en moyenne, s’ajoute aux astreintes qui sont encore importantes malgré le développement des formes sociétaires. Face à la crainte d’une accélération de la décapitalisation des cheptels, Vincent Chatellier (Inrae) estime que «  nous payons aujourd’hui un certain désengagement en matière de développement productif et d’investissements. Selon lui, pour les productions animales, l’inflation pourrait être une bonne nouvelle à moyen terme, pour peu que les prix à la consommation se maintiennent à un bon niveau. Le chercheur résume : « ce qu’Egalim n’est pas capable de faire, peut être que l’inflation pourrait le faire ».

A l’occasion du Carrefour International des Matières Premières organisé par l’association des fabricants d’aliments pour animaux Bretons, le 16 septembre, il a tenu à rappeler quelques faits. Ainsi, « la guerre en Ukraine est un choc sans aucun doute, mais il ne faudrait pas lui attribuer un impact majeur sur l’équilibre offre/demande de céréales à l’échelle mondiale ». Pour lui, l’année 2023 sera une année de vérité pour de nombreuses entreprises confrontées à la hausse du prix de l’énergie et à l’évolution des arbitrages au niveau de la consommation.

Répondre à la croissance démographique

Mais, la croissance démographique mondiale, qui tire les marchés alimentaires, est toujours bien là, en dépit des effets du Covid : « tous les jours, week end compris, c’est l’équivalent de la population de la ville de Rennes qui débarque sur la Terre ». Sur le segment des produits laitiers, par exemple, les besoins mondiaux augmentent au rythme d’environ 1,8% par an, soit pratiquement l’équivalent de la production annuelle de la Nouvelle-Zélande. Depuis dix ans, dans l’UE, l’augmentation de la productivité par vache a contrebalancé la décapitalisation du cheptel, ce qui a permis de répondre aux besoins domestiques tout en développant les exportations. Depuis plusieurs mois, cependant, la dynamique mondiale de l’offre de lait est insuffisante alors que la demande potentielle est pourtant bien présente. N’oublions pas que l’Irlande dont la production à la taille de celle de la Bretagne et qui connait un développement important de sa production, atteindra aussi des limites prochainement, comme c’est le cas en Océanie. Avec les Etats-Unis, il pense que l’UE a une carte à jouer dans les marchés mondiaux de produits laitiers, même si le développement productif se fera d’abord en Inde et au Pakistan, pays où la croissance du cheptel, à la productivité individuelle faible, interroge sur ses impacts environnementaux à venir, notamment les rejets de méthane.

« Sans mésestimer certaines difficultés actuelles, dont le renouvellement générationnel et la moindre rentabilité comparativement à d’autres productions, la France dispose encore de nombreux atouts en production laitière, surtout si l’on regarde les choses à long terme et de manière comparée à l’échelle internationale. En attendant, la décapitalisation du cheptel s’accélère et les cinq prochaines années seront importantes pour ne pas trop gâcher notre potentiel » alerte Vincent Chatellier.

La volaille est passée à côté de ses marchés

Passant en revue les principales productions animales françaises, l’économiste rappelle ainsi qu’en viande bovine, la baisse attendue de la production pourrait être supérieure au recul de la consommation. « En production porcine, le gagnant incontestable des dernières années aura été l’Espagne, mais ce pays risque de vouloir nous vendre plus de porcs si les importations chinoises déclinent après la reconstitution du cheptel intérieur » craint le chercheur.

Enfin, en viande de volailles : « On est passé pour partie à côté du marché de la RHD malgré les efforts de certaines entreprises. Ca risque de continuer face à la Pologne qui a multiplié sa production par 4 en 15 ans. Le drame de la volaille française, c’est son incapacité à répondre à une demande intérieure pourtant en croissance » estime l’économiste. La volaille française de qualité c’est très bien pour le dimanche midi mais elle n’est pas ou peu utilisée dans les sandwichs consommés en semaine et elle ne s’exporte pas.

L’économiste se refuse toutefois à être pessimiste. La consommation de produits animaux continue à croître de 1% par an dans le Monde, et réclame des produits sains mais « basiques » qu’il faut produire. Il pointe donc aussi la question de la « montée en gamme » qui correspond plus selon lui à un slogan qu’à une voie d’adaptation miracle.

« Il faut mieux communiquer sur l’agriculture française et son rôle utile pour notre société. Enfin, la France doit séduire de nouveaux clients non européens, car non seulement la population européenne est trois fois moins importante que celle de la Chine, mais nous assistons à un recul des volumes individuels consommés dans le Vieux Continent. En France, le potentiel de création de richesse par les productions animales reste important, et sûrement plus qu’en blé » conclut Vincent Chatellier.

 

 

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