Vignes de cognac : « il va falloir arracher»
« Il faut arracher,martèle Bernard Guionnet, ancien responsable du Bureau national interprofessionnel du Cognac (BNIC), syndicaliste reconnu et estimé. C’est le seul moyen de faire face à un négoce qui aura toujours raison face à une production pléthorique. Passons de 75 000 hl/AP de production à 65 000, afin d’inverser le rapport de forces, il faut que chaque viticulteur accepte d’arracher 1/5e de ses vignes ». Car si la vendange s’annonce exceptionnelle en rendement comme en qualité, si les marchés se confirment à la hausse, tant en Amérique qu’en Asie, les viticulteurs se plaignent des tarifs toujours bas accordés par les négociants. Alors que ces derniers réclament une production plus consistante, augmentant leurs achats en volumes, ils n’en augmentent pas pour autant leurs prix d’acquisition qui seraient même pour certains revus à la baisse. Sur fond de QNV (Quantité Normalement Vinifiée) affichée à 7,6 hl/AP à l’ha, les uns se déclarent insatisfaits « comme le négoce qui voulait 8» les autres estimant que c’est trop produire « comme certains viticulteurs qui souhaitaient 7,5».
Vins de pays, l’alternative
D’autant plus qu’en matière de vente, les prix sont loin d’être nets. Pour un producteur, faire de l’alcool pur à destination des négociants ne signifie pas simplement vendange et pressage. Il faut distiller -à ses frais- et stocker tout en réglant les notes du transport. Les marges de plus en plus faibles, poussent donc certains des viticulteurs vers l’aventure des vins de pays, sur des calculs simples. Entre production de vins de table payés sur 60 jours, et alcool coûteux réglé à deux ans, le calcul est souvent vite fait.
Se considérant comme « esclaves» de négociants âpres aux gains, les récoltants n’en sont pas moins tributaires d’un marché sur lequel les acheteurs sont de moins en moins nombreux. Quatre grandes maisons - Hennessy, Rémy Martin, Martell, Courvoisier - font vivre les professionnels de l’aire délimitée, le premier achetant à lui seul plus de la moitié de la production. Ils décident donc des prix, mais se heurtent de leur côté à certaines réalités, oubliées un peu vite des viticulteurs. L’incertitude des marchés -on a vu ce qu’a donné la crise de surproduction des années 90 et la chute du marché asiatique- et la flottabilité du dollar font que le négoce vend plus en gagnant moins. Cette conjoncture s’illustre parfaitement par le schéma publié récemment par le BNIC représentant une bouteille de Cognac, et la part qui revient à chacun. Sur un prix de vente en grande surface estimé à 17,47 euros, le négoce se met en poche 4,56 euros contre 1,53 euro pour le viticulteur. Mais aussi contre 7,84 euros pour l’État. Le reste allant au distillateur et au commerçant. L’avenir dira si Bernard Guionnet a raison de préconiser un arrachage qui est assez mal perçu par les viticulteurs dont ce n’est pas la coutume.