« On veut porter l’agriculture ‘écologiquement intensive’ »
LM : Qu’est-ce qui a motivé la création de ce groupe de réflexion ? Quelle mission s’est-il fixé ?
Stéphane Le Foll : Quand je suis devenu député européen en 2004 et membre de la commission agricole, j’avais l’impression aux niveaux européen et national de retrouver toujours les mêmes débats depuis que j’avais laissé de côté les questions agricoles en entrant au cabinet de François Hollande (ndlr : en 1997). Je me suis demandé : « qu’est-ce qui peut changer dans l’approche ? ». Deux axes m’ont semblé importants. Premièrement, je suis très sensible à l’idée des modèles de production. Conçus dans les années 70, les modèles de production intensive, compte tenu du coût de l’énergie notamment, arrivent au bout de leur processus évolutif. Il faut un saut qualitatif. Deuxièmement, j’avais du mal à accepter l’autosuffisance alimentaire comme objectif en soi. La sécurité alimentaire à l’échelle mondiale est un enjeu, oui ! Et j’avais dans l’idée que l’on défend les cultures alimentaires quand on préserve la diversité des productions agricoles. A partir de là, j’en ai discuté avec des personnes prêtes à renouveler un peu la discussion. On s’est réunis à quelques-uns et on a commencé à travailler. Nous avons sorti un premier petit bouquin « Parce que le monde change, il est vital de repenser le projet de l’agriculture » puis, plus fouillé, un premier cahier de constat. En plein débat sur la PAC, un deuxième cahier plus propositionnel suivra.
LM : Vous annoncez ce cahier pour juin/juillet, avant la présidence française de l’UE. Vos réflexions en termes de nouveaux modèles de production sont déjà avancées, pouvez-vous nous donner quelques pistes ?
S.L.F. : Il y a des choses qui se font déjà. L’agriculture bio a été mise en œuvre par des convaincus qui ont été très peu aidés. Aujourd’hui elle existe et c’est très bien. Beaucoup d’agriculteurs n’ont pas fait le choix du bio, mais ont fait évoluer leur modèle de production vers les TCS (techniques culturales simplifiées), comme le non-labour pour limiter la consommation énergétique. D’autres pratiques comme la conservation des sols ou l’agriculture durable commencent à avoir des résultats intéressants. Un réseau comme BASE (Bretagne, agriculture, sol et environnement), que je soutiens au niveau européen, présente des rendements équivalents aux cultures classiques avec un recul significatif de l’apport en herbicides et insecticides. On peut faire évoluer les modèles de production. Nous sommes en phase avec la logique de Michel Griffon (ndlr : agronome et économiste, auteur de « Nourrir la Planète ») sur l’agriculture écologiquement intensive. C’est ça que l’on veut porter.
LM : Quels sont les liens entre le parti socialiste et le groupe de réflexion que vous présidez ?
S.L.F. : Ce sont plutôt des gens de gauche. Aujourd’hui j’ai quelques responsabilités au parti (ndlr : membre du bureau national et directeur de cabinet de François Hollande), mais il y a un secrétaire national à l’agriculture. Les gens qui viennent réfléchir dans le groupe ne travaillent pas directement pour le parti. Leur travail servira à la réflexion générale. Pour l’instant le groupe compte une vingtaine de personnes : chercheurs, agronomes, sociologues, historiens, on essaie aussi de mettre des journalistes et nous sommes ouverts à d’autres.