Vers un échec total des négociations à l’OMC ?
Après plusieurs semaines de négociations qui ont eu le don d’échauffer les esprits jusqu’au sein même des mandataires, le commissaire européen au Commerce Peter Mandelson a donné l’impression de jeter l’éponge pour la première fois.
Opération de bluff ? Véritable coup de blues? Peter Mandelson a en tous cas jeté un sacré pavé dans la mare en déclarant vendredi dernier qu’il « n’y aura pas d’accord à Hong Kong en décembre», lieu de la prochaine rencontre de l’Organisation Mondiale du Commerce. Ces dernières semaines, les rencontres bi, tri et multipartites se sont multipliées, avec la résolution du dossier des subventions agricoles en toile de fond. Mais aucun pas n’a été fait vers un accord commun, ce qui pourrait une nouvelle fois repousser la conclusion du Doha round.
Entamé en 2001, ce cycle de négociations devait dans un premier temps être bouclé fin 2004, mais les divisions Nord-Sud sur l’agriculture ont repoussé l’issue à la fin de 2006 au plus tôt. Le commissaire européen estime en substance avoir fait tous les efforts possibles, après avoir déjà revu sa copie à plusieurs reprises.
« L’Union européenne a fait des offres très sérieuses, très crédibles sur l’agriculture pour réduire nos subventions de manière très importante (...) Le problème est que quoi que nous proposions, ce n’est pas assez pour les producteurs agricoles et exportateurs très compétitifs et performants comme le Brésil, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les Etats-Unis », a t-il déclaré.
Du point de vue européen, l’absence de propositions chiffrées du camp adverse a son impact dans la balance des négociations. Les grands pays exportateurs attendent une baisse plus importante des droits de douane que la réduction dans une fourchette de 35 % à 60 % offerte fin octobre par l’UE, mais ces autres pays « en demandent toujours plus, pour maximiser ce qu’ils peuvent obtenir des discussions sur l’agriculture. Selon moi, cela ne coïncide pas avec les intérêts de l’immense majorité des pays en développement », a ajouté M. Mandelson.
Barroso pessimiste lui aussi
L’échec attendu du volet agricole devrait sérieusement amputer la portée de la réunion de Hong Kong : en poste depuis quelques semaines à la tête de l’organisation mondiale du commerce, le Français Pascal Lamy a d’ores et déjà renoncé à boucler les deux tiers du cycle de Doha. Sans compter que l’état d’esprit de Peter Mandelson a déteint sur le moral de José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne. Interrogé dimanche soir par différents média, il s’est dit « pas optimiste pour Hong Kong ». L’avancée sur le volet agricole semble donc repoussée à l’horizon 2006-2007, sous réserve de « solides négociations » de l’aveu de Peter Mandelson. Une petite marge de manœuvre subsiste à en croire le quotidien anglais The Guardian, qui a révélé hier dans ses colonnes que le Premier ministre Tony Blair cherche à bâtir un consensus dans l’UE pour isoler la France. S’il parvenait à ses fins, le dirigeant d’outre-Manche pourrait permettre au britannique Peter Mandelson, qui lui est proche, de réduire drastiquement les protections à l’agriculture européenne.