Veaux dopés : un réseau est démasqué
Même si tous n'osent pas l'avouer, l'affaire des veaux aux anabolisants dans le Sud-Ouest n'a pas vraiment surpris. Dans le milieu professionnel, Pierre Dartout est connu comme un récidiviste. Cet homme est au cœur du réseau mis à nu lors d'un coup de filet des services de gendarmerie jeudi dernier. L'intégrateur détient une société de commerce de gros d'animaux vivants, dont le siège social est à l'abattoir municipal de Mauléon Licharre (Pyrénées-Atlantiques). Il travaille avec 26 éleveurs, dont trois dans le Gers, deux dans les Landes, le reste dans les Pyrénées-Atlantiques. Sa tâche consiste à récupérer des petits veaux, en Espagne principalement, et à les placer chez des éleveurs, en fournissant les aliments et les éventuels dopants.
« L'arrestation de cet intégrateur et des trois éleveurs m'a à la fois étonné et révolté, témoigne Alain Cazaux, président d'Aquibev et de la section bovine des Pyrénées-Atlantiques. Je pensais que ces pratiques prohibées étaient d'un autre âge. Au sein de l'interprofession, nous faisons la police depuis longtemps, pour que les anabolisants ne fassent plus partie des techniques d'élevage et la grande majorité des éleveurs l'a compris. Nous avons de nombreux intégrateurs dans le Sud-Ouest, qui ont mis en place des cahiers des charges qualité avec contrôles internes et externes, et qui se sont engagés à bannir ces pratiques de leur entreprise ».
Cette affaire, le président de l'interprofession d'Aquitaine la juge catastrophique pour l'image de la filière. Cela dit, Pierre Dartout est un récidiviste. « Il avait déjà eu des problèmes en 1993, mais à cette époque, on n'était pas puni comme aujourd'hui. Espérons que cette fois, il ne pourra plus reprendre son activité. Le malheur, dans tout cela, c'est que les éleveurs qui travaillent pour lui sont pris en otages, car s'ils ne font pas ce qu'on leur dit, l'entreprise ne leur confie plus de veaux à engraisser ».
Des éleveurs « pris en otages »
Aquibev a retrouvé une liste d'éleveurs travaillant pour l'intégrateur en 1994. Dans cette liste, l'association a trouvé des noms de salariés de Dartout : l'entreprise avait « repris » des élevages à son compte et avait placé ses propres ouvriers salariés pour s'en occuper. « Par ailleurs, nous savons que l'un de ses éleveurs l'a quitté en février dernier, car il n'était pas d'accord avec les pratiques de l'entreprise».
D'après le journal Sud-Ouest, au moins 20 000 veaux auraient été dopés, depuis le début de l'enquête, amorcée en mars 2005. De nombreux produits, parfois inconnus des vétérinaires français ou stockés dans des flacons sans étiquette, ont été saisis par les gendarmes. Parmi ces substances, certaines venaient de plusieurs pays européens comme l'Espagne, la Suisse, la Belgique ou les Pays-Bas.
Ironie du sort, Aquibev présentait hier à la presse sa Charte de bonne pratique en élevage, qui engage l'éleveur à écrire tout ce qu'il fait en matière d'alimentation, de traçabilité, d'hygiène.