Une réforme du lait qui tombe à pic
> Seul 50 % du lait de brebis dans le Rayon est désormais transformé.
Pour la première fois en septembre prochain, les producteurs de lait de brebis et les fabricants du Rayon de roquefort ne se retrouveront pas autour de la table pour fixer le prix du lait. Le Paquet lait de Bruxelles est passé par là, balayant un mode de fonctionnement historique. « On ne peut plus s'entendre entre nous, c'est perçu comme une atteinte à la libre concurrence, explique Robert Glandières, le président de la Confédération générale des producteurs de lait de brebis et des industriels de roquefort. À partir de la prochaine campagne qui démarrera le 15 novembre 2015, il faudra appliquer un nouveau système. » Une échéance qui bouscule toute la filière, à commencer par les éleveurs, premier maillon de l'interprofession.
« On est sur un territoire difficile avec de très petites structures qu'il faut sauvegarder, s'inquiète Robert Glandières, également président de la FRSEB, le syndicat des éleveurs de brebis. Dans l'ancien système, la mutualisation permettait à tous les producteurs d'être rémunérés sur les mêmes bases, alors que le prix du lait peut varier de 870 à 1 100 euros /1000 litres selon les fabrications des industriels. En sortant de ce cadre, certains producteurs risquent de perdre 20 à 22 % de leur chiffre d'affaires ! »
Sur le terrain, le syndicat des éleveurs encourage les producteurs à se fédérer et milite pour « qu'on tienne compte de l'histoire ». A contrario, du côté des industriels, cette réforme semble être l'occasion rêvée de faire table rase du passé. « C'est un levier intéressant pour sortir du schéma actuel qui n'est plus adapté à la réalité du marché », estime Dominique Torrès, responsable achat chez Société des Caves (groupe Lactalis). Le défi reste de taille : trouver un nouveau cadre qui réponde à la fois aux exigences réglementaires, tout en ” simplifiant la situation présente et en faisant consensus. « Notre vision, c'est d'établir une relation directe entre des associations de producteurs et leur entreprise pour la gestion des paramètres économiques », poursuit le responsable, qui insiste par ailleurs sur la nécessité de cultiver un es-prit « filière », moteur du développement du roquefort.
“ Risque de perte de 20 à 22 % du chiffre d'affaires
Car le Rayon, correspondant au premier bassin de production de lait de brebis en France avec 161 millions de litres, n'est pas au mieux de sa forme. Depuis 2008, les ventes d'AOP Roquefort ont cumulé une perte de 2000 tonnes, atteignant 17000 tonnes en 2014 pour des volumes transformés désormais sous la barre des 50 % (voir graphique). La réforme sera-t-elle une opportunité, ou une contrainte ? « Les marchés ont évolué, la distribution aussi, l'enjeu est de redonner une dynamique et des perspectives à la filière. C'est déterminant pour les exploitations agricoles qui ont envie et qui ont des projets », considère le représentant de Lactalis. Un constat partagé par les éleveurs qui espèrent, eux, que la relation directe entre producteurs et fabricants va inciter les industriels à développer de nouveaux produits plus rémunérateurs, notamment sur le segment de la pâte pressée. Les discussions autour de la table sont loin d'être terminées.