CALCULER L’EMPREINTE EAU DU LAIT
Une méthodologie spécifique aux produits laitiers en 2013
Plusieurs méthodes de calcul de l’empreinte eau existent
au niveau international, avec des résultats très variables.
Une méthodologie spécifique aux produits laitiers devrait être
publiée mi 2013.
Dans un contexte de pénurie mondiale de l’eau et de recherche de sécurité alimentaire, l’empreinte eau des produits devient un indicateur de durabilité important dans les secteurs agricoles et agroalimentaires. Actuellement, une vingtaine de méthodes permettant de calculer l’empreinte d’une organisation ou d’un produit sur l’eau coexistent au niveau international (ISO, UNEP, WFN,WSI…), avec des principes et des résultats souvent très différents. Ainsi par exemple, avec la méthode Ridoutt et al., qui ne prend en compte que l’eau de boisson, l’eau de lavage et l’eau nécessaire à la fabrication des aliments, engrais, fuel, électricité…, l’empreinte eau n’est que de 14,4 litres d’eau par litre de lait. Mais avec la méthode WFN, qui comptabilise la capture des eaux de pluie par les prairies, l’impact est de 1 000 litres d’eau par litre de lait, 85 % du total étant constitué des eaux de pluie. Et à un niveau intermédiaire, la méthode WSA évalue l’impact d’un litre de lait à 292 litres d’eau, car elle pondère le volume d’eau par un indicateur de stress hydrique de la zone étudiée. « En termes de communication, ce n’est pas du tout la même chose de dire qu’un litre de lait consomme 14 litres d’eau ou 1 000 litres, souligne Sophie Bertrand, chef du service environnement à la direction des affaires techniques et scientifiques du Cniel. En termes de leviers d’action non plus car les 1 000 litres d’eaux virtuelles agrégées ne permettent pas d’identifier les pratiques à améliorer. »
PLUSIEURS POINTS EN DISCUSSION
Au niveau international, des discussions sont en cours au sein de l’ISO et de la FAO pour mettre au point une méthode standardisée de calcul de l’empreinte eau. Mais en parallèle et parce que cette norme restera générique, le comité Environnement de la FIL a commencé à travailler sur une méthodologie basée sur les standards existants mais spécifiques au secteur laitier. La décision a été prise de rester dans le cadre défini par l’ISO incluant une approche par l’Analyse du cycle de vie (ACV), la prise en compte des aspects quantitatifs et qualitatifs de l’eau et l’évaluation du stress hydrique (pondération des quantités d’eau consommées par l’impact de cette consommation sur le milieu local, en lien avec la rareté de l’eau). Plusieurs points sont toutefois encore en discussion concernant l’inventaire des flux, l’évaluation de l’impact, l’origine et la qualité des données utilisées et la communication. Le débat porte notamment sur la prise en compte ou non de l’eau de pluie stockée dans les sols et « évapotranspirée » par les plantes, sur la manière d’évaluer l’impact du retournement d’eau souillée et sur l’application ou non d’un indicateur de stress hydrique selon la région. « La méthode s’oriente vers une reconnaissance de l’eau de pluie dans l’inventaire mais pas dans les impacts, précise Sophie Bertrand. Le critère eutrophisation/ écotoxicité de la méthode ACV pourrait également être pris en compte, de même que les changements dans la disponibilité de l’eau générés par l’usage consommateur et dégradant de l’eau. »
UNE MÉTHODOLOGIE INSTITUT DE L’ÉLEVAGE/CNIEL
Au niveau français, le Cniel a demandé à l’Institut de l’élevage de travailler sur une méthode de calcul de l’empreinte eau du lait français. La méthodologie mise au point quantifie les changements dans la disponibilité de l’eau générés par l’usage de l’eau. Mais elle ne retient pas l’eau de pluie dans l’évaluation, car cette eau participe au cycle naturel de l’eau. Les premières simulations faites sur une ferme laitière en Normandie donnent un résultat d’environ 290 litres d’eau par litre de lait correspondant aux 11,8 litres réellement prélevés par l’exploitation, aux 5,7 litres d’eau souillée retournés dans le milieu, le reste étant constitué de l’eau virtuelle nécessaire pour diluer la pollution générée, le tout pondéré par l’indicateur de stress hydrique de la région. Cette méthode, qui va sans doute encore évoluer en 2013 avec la publication de la norme ISO et de la méthode FIL, sera ensuite appliquée sur la base de données des réseaux d’élevage, afin d’analyser les résultats selon le système d’élevage et d’identifier les leviers d’action. VÉRONIQUE BARGAIN