Un terrain miné
Evidemment, la diffusion cette semaine d'images pénibles filmées en août dernier dans un abattoir français de volailles ne relève pas du hasard. En plein salon de l'Agriculture et à la veille d'un vaste débat souhaité par le président de la République sur le thème « Animal et société », le coup est opportunément porté. Il répond à un objectif précis : hâter le débat sur une question vieille comme l'homme et le radicaliser. Car il y a bien une dérive des références philosophiques et de la stratégie chez quelques-unes des associations de défense des animaux. Elles étaient jadis pittoresques comme la fondation Brigitte Bardot, naguère raisonnables comme la SPA. Ce n'est plus le cas. La première a été l'auteur ces derniers jours d'une provocatrice campagne d'affichage contre la consommation de viande dans le métro parisien. La seconde est instrumentalisée aujourd'hui par un groupuscule radical, prônant le végétarisme, voire le spécisme, L214. Il est urgent, de la part des responsables professionnels du secteur du bétail et de la viande de mesurer le caractère explosif du terrain sur lequel on tente de les entraîner. Dans un communiqué publié il y a quinze jours et passé assez inaperçu, la SPA a révélé que son objectif ultime dans le débat qui va s'ouvrir est d'obtenir « l'établissement d'un régime juridique de l'animal, propre à inscrire dans les textes législatifs sa qualité d'être sensible. Les animaux doivent bénéficier d'une législation protectrice particulière, édictée dans leur intérêt propre. » Il faut d'urgence relire ce que Luc Ferry a écrit, dans un remarquable essai publié en 1992 Le nouvel ordre écologique, l'arbre, l'animal et l'homme, Grasset, des origines douteuses et des aberrations gravissimes d'où proviennent et où conduisent ce genre de projets. La circonstance le mérite. Car la perméabilité du pays à de pareilles sottises n'a jamais été aussi grande qu'aujourd'hui.