Un scénario plus sombre que prévu pour l’OCM sucre
On appelle ça une fuite. Lors de la présentation des résultats de Saint-Louis Sucre, l’actualité a tourné autour d’un document qui aurait échappé de la Commission européenne, intentionnellement ou non. Le contenu dudit rapport est encore plus dur pour la filière sucrière européenne que le projet initial. « L’idée sous-tendue, c’est que les régions les plus compétitives poursuivent leur activité, et que les moins rentables l’arrêtent, avec d’importantes indemnités à la clé», a estimé Frédéric Rostand, président du directoire de Saint Louis. Les lignes fixées par le rapport serviront à poser les bases de la prochaine Organisation commune des marchés sucre (OCM), qui entrera en vigueur de 1er janvier 2006, jusqu’en 2015.
Très protégée jusqu’à maintenant, la production européenne bénéficie d’un prix d’intervention trois fois supérieur aux cours mondiaux, une situation appelée à être remise en question très rapidement. Les écrits de la Commission proposent ainsi une suppression du prix d’intervention, remplacé par un prix de référence. Ce toilettage n’a rien de sémantique, puisque le prix du sucre blanc serait baissé de 39%, pour atteindre 385,5 euros par tonne, et le prix minimal de la betterave chuterait de 42% à 25,05 euros par tonne.
Compenser pour adoucir
Les propositions précédentes, faites en 2004, prévoyaient déjà des baisses conséquentes, mais plus limitées (421 euros pour le sucre et 27,4 euros pour la betterave). Pour atténuer la baisse de revenu conséquente entraînée par ce bouleversement des prix d’intervention, la Commission a prévu une aide découplée à hauteur de 60% des pertes.
Bruxelles devrait également créer un fonds de restructuration pour aider à la réduction de la production, alimenté par une cotisation de 730 euros par tonne sur le quota additionnel, et par une cotisation de restructuration amenée à se réduire (fixée à 126 euros par tonne la première année). Le montage réalisé autour de l’OCM sucre prévoit une compensation dégressive, destinée à adoucir le poids des cotisations. Ces mécanismes complexes ont pour but d’obtenir une baisse « volontaire et indemnisée» de la production jusqu’en 2010, avant « une réduction linéaire par la Commission si nécessaire».
D’autres volets sont concernés, comme le raffinage, temporairement préservé avant d’être totalement libéralisé. Des mesures supplémentaires touchent à l'absence de contingentement du sucre des PMA (pays les moins avancés), au report du quota excédentaire et à la gestion de l'offre interne par stockage privé, déclenché sur la base du prix de référence. Ces propositions, si elles s’avèrent exactes, devraient être rendues publiques le 22 juin, date de la communication de la Commission Européenne. Elles seront ensuite examinées le 13 juillet, lors d’une audition au Parlement européen, avant la présentation, le 19 juillet, au conseil des ministres de l’Agriculture. Cet organe devrait décider de donner son accord ou non à ce projet, au mois de novembre. Un calendrier ambitieux, que les sucriers n’espèrent pas aussi rapide...