Tergiversations autour de l’avenir de l’abattoir de Fruges
Le 20 août dernier, lors d’un contrôle opéré à l’abattoir de Fruges (Pas-de-Calais), la DSV du Pas-de-Calais « constatait des non-conformités qui ne permettaient pas de poursuivre l’activité de l’outil ». Selon le directeur Claude Rousseau, « les travaux de réhabilitation qui s’y opéraient étaient incompatibles avec une hygiène stricte des lieux ». Cette fermeture administrative et temporaire du dernier abattoir public du Pas-de-Calais faisait suite à deux précédentes mises en demeure. Et elle a mis le feu au poudre. Mais elle a aussi permis d’exhumer un dossier qui traînait depuis 1998 sur les bureaux des administrations et des collectivités territoriales.
L’abattoir multi-espèces de Fruges date de 1968. Depuis 1989, il est géré par la communauté de communes comme un abattoir public en gestion d’autonomie financière. D’une capacité initiale de 2 500 tonnes par an, l’abattoir atteint aujourd’hui les 4 000 tonnes annuelles et concerne environ 3 000 utilisateurs. Un premier projet d’agrandissement est envisagé en 1998 auquel est associée la société Pruvost-Leroy qui n’y donnera finalement pas suite.
La construction d’un nouvel abattoir de 8 000 à 12 000 tonnes est envisagée en 2005. Le dossier est porté par Jean-Jacques Hilmoine, président de la communauté de communes et maire de Fruges qui pousse à la création d’une société d’économie mixte (SEM) dans laquelle la communauté de communes possède 57 %. Éleveurs, bouchers et chevilleurs possèdent les 43 % restants, mais ont toujours renoncé à s’engager davantage dans la gestion de l’abattoir.
« On a assez perdu de temps et il faut que les protagonistes du dossier passent à l’étape suivante », explique-t-on aujourd’hui à la FDSEA du Pas de Calais. C’est pourquoi le syndicalisme jeune et « aîné » ont organisé le samedi 19 septembre « un rassemblement de soutien à la construction du nouvel abattoir de Fruges ». Quoi de plus polémique et politique qu’un dossier de création d’abattoir public ? Fruges n’échappe pas à la règle. Après plus de dix ans de négociations, Jean-Jacques Hilmoine, qui a porté à bout de bras ce dossier, se désespère. « Finalement, la décision de fermeture provisoire de l’abattoir a été une bonne chose. Elle a amené des prises de conscience », soupire-t-il. Mais l’élu, qui a toujours défendu becs et ongles l’intérêt du statut d’une SEM pour la gestion de cet abattoir, adapté aux circuits courts et à la viande de qualité, est un peu excédé de ces quinze années passées à tenter de monter un projet dans l’indifférence générale. Il ne comprend pas non plus les raisons pour lesquels des éleveurs sont allés récemment plaider rue de Varenne le dossier de la création d’un abattoir de 6 000 tonnes « sur la base de notre dossier initial auquel ils ont apporté quelques modifications et sous couvert de la chambre d’Agriculture du Pas-de-Calais. Ils auraient obtenu un accord de principe de la part de leurs interlocuteurs parisiens », confie Jean-Jacques Hilmoine.
La création d’un nouvel outil peu probable
« Ailleurs, ça commence à devenir nulle part », reconnaît cet éleveur qui plaide pour conserver un outil de proximité. Depuis le 20 août, des éleveurs, dont certains sont regroupés en association, des chevillards et des bouchers en mesurent toutes les répercussions financières.
Alors, rénovation ou construction d’un nouvel outil ? Il semble qu’il n’y ait que le syndicalisme agricole à croire encore dans la création d’un nouvel outil dont le montant est évalué à 4 M d’euros et les délais de réalisation à quatre ans ! Même J.J. Hilmoine n’en défend plus l’idée, mais s’accroche à « la rénovation d’un outil indispensable en terme d’aménagement du territoire ». Du côté du ministère de l’Agriculture, la création d’un abattoir sous statut public n’est plus forcément d’actualité au sein de la commission nationale des abattoirs.
Une réunion devrait se tenir ce 25 septembre pour concrétiser la volonté des différents partenaires de la SEM à devenir les gestionnaires de l’abattoir dès le 1 er janvier 2009 et prendre ainsi le relais de la communauté de communes. Quant à la réouverture, elle est suspendue à la décision de la DRIRE qui a exigé le remplacement des anciens groupes frigorifiques fonctionnant à l’ammoniac, un investissement évalué à 400 000 euros. « Si tout le monde respecte ses engagements, l’abattoir de Fruges pourrait fonctionner de nouveau à la fin octobre, voire au début novembre », précise Claude Rousseau, le directeur de la DSV62. Dans le cas contraire, la poursuite des activités à Fruges est mal engagée et cela pourrait peser lourd sur les 22 emplois directs et à ceux qui, indirectement, sont générés par les activités de l’abattoir.