Tavernes Maître Kanter attaque Kronenbourg
«On a été floués. [...] Mais on ne va pas se laisser mourir à petit feu », c'est en substance le message qu'a voulu faire passer Denis Rifaut, président du groupement des Taverniers de Maître Kanter, hier lors de l'annonce à la presse de l'action en justice engagée contre les Brasseries Kronenbourg. Après plus de 23 ans de partenariat, la séparation entre le fabricant de bière et les restaurateurs indépendants bénéficiant de l'enseigne -vendue le 12 juin au Groupe Flo- passe mal. Les relations étaient bonnes jusqu'à mi-2006 quand les deux parties ont ouvert les négociations sur les modalités du contrat liant les brasseries Kronenbourg aux 58 tavernes du groupement (ndlr : une dizaine de restaurants à l'enseigne ne font pas partie du groupement), raconte Denis Rifaut.
Au cours des différentes réunions, le groupement propose à plusieurs reprises de racheter la marque. Fin 2006, les brasseries annoncent qu'elles coupent les subventions pour le groupement (de l'ordre 370 000 euros, soit le quart de son budget). Les négociations se poursuivent néanmoins sur la question de la marque jusqu'au 7 juin 2007 où « le p-dg de Kronenbourg nous dit qu'il ne pourra pas nous céder la marque puisqu'il vient de la vendre au groupe Flo », relate Denis Rifaut, ajoutant « la pilule a été et est toujours dure à avaler ». Avec 72 restaurants en 2006 (pour un CA de 154 M Eur), 7 millions de repas et 10 000 hl de bières du groupe Scottish et Newcastle (propriétaire de Kronenbourg), les taverniers estiment avoir contribués à l'image de Maître Kanter et ne comprennent pas le peu de cas qu'on fait d'eux. Le 27 novembre, le groupement et 52 Tavernes de Maître Kanter ont obtenu du TGI de Strasbourg de faire assigner à jour fixe les Brasseries Kronenbourg le 21 décembre prochain, compte tenu de l'urgence.
« Indépendants toute leur vie »
Au nom du préjudice subi, 26 M Eur sont réclamés au brasseur (soit presque quatre fois le montant de la transaction conclue avec Flo, selon les informations du groupement). « La cible c'est Kro, on n'en veut pas à Flo », précise Denis Rifaut. Néanmoins, ce que les indépendants ne digèrent pas, c'est de devoir passer sous franchise pour garder la marque. « Beaucoup d'entre nous ont entre 50 et 60 ans et ont été indépendants toute leur vie », souligne Denis Rifaut, qui ne veut pas être obligé d'aller se servir chez Convergence Achat.
Trois Tavernes Maître Kanter sont déjà passées sous franchise Flo, 2 ou 3 devraient suivre et 4 à 5 prospects signer un contrat. Mais Denis Rifaut estime que 80 % des taverniers veulent rester indépendants. Au-delà de l'action en justice, le groupement a dénoncé l'absence de notification de cette opération de concentration et saisi la DGCCRF qui devrait se prononcer d'ici fin janvier sur la validité ou la contrôlabilité de l'opération. Par ailleurs, « on réfléchit à d'autres alternatives », confie Denis Rifaut. Le groupement d'indépendants pourrait par exemple créer une nouvelle enseigne. Groupe Flo n'aurait alors pas fait une si belle affaire avec Kronenbourg.