Succès du « sans antibiotique »
> Lionel Desencé, directeur des affaires scientifiques et réglementaires chez Carrefour.
Les Marchés Hebdo : Le « sans antibiotique » n'est pas une histoire récente pour Carrefour…
Lionel Desencé : Dès 1992, dans le cadre des filières Qualité Carrefour, nous avons exclu l'utilisation des antibiotiques facteurs de croissance dans l'alimentation des animaux, c'est-à-dire quatorze ans avant leur interdiction dans l'Union européenne. Nous avions clairement anticipé pour répondre à la demande émergente de nos clients. En 2010, nous nous sommes engagés sur la suppression des traitements antibiotiques médicamenteux. Nous avons monté une filière de poulet sans antiobiotique avec le groupe Arrivé qui s'était de son côté engagé pour ses élevages de volaille de chair. La mise en rayon en septembre 2012, s'est assortie d'une communication sur le produit, mais sans autre communication média. Déployée en 2013, la gamme a connu très vite un vif succès, les produits ayant apporté des volumes additionnels au rayon volailles. Cela démontre que le « sans traitement antibiotique » est une démarche appréciée par les consommateurs.
LMH : Le vrai risque n'est-il pas qu'ils se détournent des produits standard ?
L. D. : Les pouvoirs publics estimaient qu'une communication « sans » est une communication négative qui peut être anxiogène et risque de jeter l'opprobre sur les autres filières. Nous avons prouvé que ce n'était pas le cas. Nous nous inscrivons dans l'ef-fort collectif encouragé par les pouvoirs publics dans le cadre du plan Ecoantibio 2017. Il s'agit de démarches de longue haleine et de haute technicité pour une réduction globale de la consommation d'antibiotique sur toute la vie ” des animaux. Seuls les éleveurs volontaires s'engagent. Nous travaillons sur une démarche pérenne, et à long terme, avec des opérateurs qui s'engagent durablement.
“ Nous avons monté une filière avec Fipso
LMH : Après la volaille, quel est votre objectif ?
L. D. : Nous allons commercialiser en septembre, dans nos rayons boucherie, une offre de viande fraîche de porcs élevés sans trai-tement antibiotique depuis le se-vrage. Le comité vétérinaire de Carrefour a pointé que si la filière s'était déjà bien engagée, il reste encore des difficultés durant la première partie de la vie de l'ani-mal. Depuis l'automne 2014, il existe quelques références de produits transformés à marque Carrefour et à marques nationales, comme Brocéliande de la Cooperl. Nous avons monté une filière avec Fipso, un de nos partenaires historiques dans le sans OGM notamment, et il y aura probablement d'autres partenariats à venir.
LMH : Quelles sont les autres filières concernées ?
L. D. : Nous avons déjà lancé une filière saumon sans antibiotique et une filière œuf avec Matines et Loué, sans traitement antibiotique durant toute la phase de ponte. Pour le veau, nous en sommes à l'étape des réflexions avec des opérateurs. Pour le lait comme pour la viande bovine, la question est différente : il est plus difficile de mettre en place des filières différenciées, car la fréquence des traitements est déjà très faible. Enfin, pour le lapin, si les opérateurs ont déjà bien avancé collectivement sur la suppression des traitements antibio-tiques, il existe d'autres sujets sur les conditions d'élevage et le bien-être animal notamment, sur lesquels nous travaillons.
LMH : Comment communiquez-vous ?
L. D. : Dès le début, nous nous sommes rapprochés de la DGCCRF pour présenter notre démarche globale. Carrefour souhaite en effet disposer de règles de jeu claires et partagées. Nous avions proposé une allégation « élevé sans antibiotique », mais les échanges entre la DGCCRF et la Commission européenne ont conduit à faire référence plus explicitement à l'absence de traitement antibiotique. Aujourd'hui, nous nous orienterions plutôt vers quelque chose comme « élevé sans traitement antibiotique ». Les discussions sont en cours au CNC pour la rédaction d'un décret qui passera devant le Conseil d'État. Nous en espérons la publication rapide.