Spéculation, OCM, énergie : la luzerne au tournant
Entre deux années sèches, 2003 et 2005, la campagne de commercialisation 2004-2005 n'aura pas été à la hauteur des espérances des vendeurs de luzerne et autres fourrages déshydratés. Les éleveurs de bovins ou d'autres herbivores ne se sont pas jetés sur la marchandise comme en 2003-2004. Les industriels ont en conséquence abordé la campagne en cours avec un stock de luzerne déjà vendue et non livrée. En revanche, ils doivent compenser le déficit de l'offre espagnole. Car en Espagne, premier pays producteur d'Europe, le rationnement des eaux des barrages pyrénéens a fait chuter la production de plus de 12 % à 1 900 000 tonnes.
Le SNDF (Syndicat national des déshydrateurs de France) prendra acte de ces contrastes inter-campagnes lors de son assemblée générale, aujourd'hui à Paris ; contrastes qui, avec la dissolution de l'aide spécifique aux producteurs dans le DPU (droit à paiement unique), l'amènent à songer aux possibilités d'arbitrage commercial.
La bonne nouvelle de cette AG est la stabilité de la production française de luzerne déshydratée malgré les incertitudes économiques liées à la nouvelle OCM (organisation commune de marché) des fourrages séchés. Le manque d'eau n'a pas affecté la région Champagne, d'où provient l'essentiel du tonnage national. Certes, il manque 185 000 tonnes pour arriver à la « quantité nationale garantie » éligible à l'aide communautaire, mais les 1 170 000 tonnes de 2005 reproduisent à peu près le tonnage de 2004.
Une aide de 33 euros par tonne
Le maintien du budget alloué à la France met cultivateurs et déshydrateurs à l'abri de l'érosion de l'aide. « Nous avons échappé au pire scénario proposé qui conduisait à la suppression pure et simple de notre secteur », dit le rapport d'orientation. La diminution des productions allemande (- 17 % à 270 000 t), hollandaise (- 7 % à 181 000 t) et danoise (- 34 % à 93 415 t) montre que tous les pays ne bénéficient pas de la même stabilité. La France ayant remis au printemps 2006 la mise en œuvre du règlement, les agriculteurs continuent de toucher une aide en fonction des quantités livrées.
Les entreprises françaises de la transformation s'accommoderont d'une aide de 33 euros par tonne. Les agriculteurs, eux, ont pu calculer à la fin de l'an dernier des DPU nettement supérieurs aux autres cultures. Pour autant, les premiers ne seront plus à l'abri d'un virement des producteurs vers des cultures alternatives.
Les déshydrateurs affrontent aussi le défi énergétique. Une étude a été lancée en décembre dernier sur les voies de la réduction de la consommation thermique, en lien avec la protection de l'environnement et la qualité des produits finis. Le bureau de conseil en ingénierie SNC Lavalin, choisi sur appel d'offre, devrait rendre ses conclusions en juin. Par ailleurs, la société de recherche et développement LRD, fondée l'an dernier par les industriels champenois, mène une réflexion sur l'optimisation des chantiers de récolte. Elle devrait mener des essais lors de la prochaine campagne. Le SNDF n'exclut pas une remise en cause profonde des modes de production, tant sur la partie récolte qu'en usine.