Sous-produits de la viande : il est urgent d’attendre
L’abandon par la Société vitréenne d’abattage (SVA) de son projet d’incinérateur à Cornillé (Ille-et-Vilaine) marque peut-être un tournant dans la politique d’élimination des déchets d’abattoirs. C’est le deuxième projet des quatre sélectionnés par feue la Miefa (mission interministériel pour l’élimination des farines animales) qui s’éteint. Le premier porteur à jeter l’éponge avait été le groupe Caillaud (fabricant de farines animales) dans l’Orne. Sa capacité était de 25 000 tonnes.
Le projet de Cornillé, qui devait ouvrir à la fin de l’an dernier, devait incinérer annuellement l’équivalent de 44 000 tonnes de farines animales sous forme de déchets crus, de farines animales et de déchets industriels. Les autorisations préfectorales étaient pourtant acquises.
Sur les quatre projets de la Miefa, seuls les deux portés par la société Inova restent en piste, tous deux conçus pour 76 000 tonnes de farines. Ils associent les chimistes Novacarb en Meurthe-et-Moselle et Rhodia dans les Deux-Sèvres. Le projet Inova/Novacarb a achevé sa phase administrative. Son « business plan tient la route», affirme le responsable qui attend les premiers travaux à partir de cet automne. La société Mellergie, fondée par Inova et Rhodia, détient aussi ses arrêtés d’exploiter et attend avec confiance son permis de construire avant la fin de l’année, en vue d’un démarrage possible au deuxième semestre de 2007.
Des capacités d’incinération suffisantes
Le process prévu dans les deux cas exclut la nécessité de déshydrater la matière première. Questionné sur les opérateurs concurrents de l’Est et du Nord de l’Europe, le responsable ne voit « pas de raisons que l’on ne puisse faire aussi bien qu’eux, voire mieux» puisqu’il y aura beaucoup moins de transport et une meilleure traçabilité, explique-t-il.
L’équilibre économique des projets d’élimination n’a rien d’’acquis, le patron de la société d’équarrissage Ferso Bio, Jacques Surles, en convient. Lui n’a aucun regret que son projet n’ait pas été retenu par la Miefa, car il a vite vu que ça n’était « pas viable économiquement». Du reste, il considère que les capacités d’incinération dans l’Union européenne sont largement suffisantes pour absorber les farines produites en France à partir de 2 millions de tonnes de déchets « à bas risque» destinés à l’incinération. La preuve, le gouvernement a envisagé (sous condition d’un hypothétique arbitrage financier du Premier ministre) de faire consumer cette année le tiers des 750 000 tonnes de farines restant dans des silos français en Allemagne, en Belgique ou aux Pays-Bas.
Une autre raison arrête les opérateurs de la filière viande : le règlement qui fait de celle-ci la championne de l’incinération, aux dépens d’autres valorisations, va certainement s’assouplir. Les services du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, l’Afssa ainsi que le nouveau groupe de travail sur la réforme du SPE y travaillent. L’Afssa vient d’émettre deux avis favorables à l’utilisation des déchets de catégories 2 et 3 (sans risque lié aux ESST) sous forme d’engrais ou d’aliments pour les animaux.
La réglementation va bientôt évoluer
Même si les fabricants d’aliments pour animaux d’élevage ne sont pas prêts à introduire des farines animales dans leurs compositions, les abatteurs pourront au moins exporter. Par ailleurs, un décret devrait fixer le périmètre du SPE (service public de l’équarrissage) dans la Loi sur le Développement des territoires ruraux. Celui-ci sera taillé au plus juste, souhaite le coordinateur du ministère. Il devrait exclure les déchets d’abattoirs.
De son côté, le règlement européen s’assouplit. Le Journal officiel des Communautés européennes (Joce) du 21/01/05 trace les voies de la production d’engrais, de la lipochimie ou la production de biogaz pour les matières de la catégorie 2 et celles de l’hydrolyse alcaline, du biogaz ou du biodiesel, aux matières de catégorie 1 (moyennant une période de test de 2 ans). Ce Joce propose aussi un modèle de document d’accompagnement destiné au transport intra-communautaire des sous-produits animaux, transformés ou non, de catégorie 1, 2 ou 3. S’il est question de revenir à la situation d’avant 1996, comme l’envisage Jacques Brulhet, vice-président du Conseil général vétérinaire et coordinateur du groupe de réflexion sur l’équarrissage, il devient urgent d’attendre.