Soja : une coexistence bien fragile
Dans la mesure où l’Europe autorise l’importation et la commercialisation de certains OGM, pour l’alimentation animale, mais pas toujours leur production, la coexistence entre organismes génétiquement modifiés et conventionnels est toujours de mise.
Certes, les exemples ne sont pas légion, mais, existent, comme le souligne un récent travail de l’Inra présenté lors de la journée consacrée aux enjeux des filières alimentaires, le 15 novembre dernier (LM des 17 et 20 novembre). Le cas analysé a été celui du soja, où les deux productions coexistent. Principale source de protéine végétale pour le bétail, le soja est très majoritairement importé, d’Argentine, du Brésil surtout et un peu des Etats-Unis.
Selon les types de sojas exportés par ces pays mais aussi les stratégies adoptées par les utilisateurs, la filière d’approvisionnement est multiple : totalement OGM ou totalement non OGM, ou alors basée sur des contrats spéciaux (seuil de tolérance 0,9 % et assurances qualitatives supplémentaires par exemple). Les importateurs ont mis en place des démarches de traçabilité permettant d’offrir une gamme différenciée selon les niveaux d’exigence. C’est ce qui fonde la coexistence et introduit une certaine segmentation basée sur la qualité du soja utilisé.
Cependant, cet équilibre est fragile. Si le Brésil est le principal fournisseur de soja non OGM de la France, c’est aussi parce que la culture OGM était peu présente dans ce pays. Or, la pression pour l’extension de culture de soja OGM là-bas est vive.
Les scénarii de l’avenir
Selon l’Inra et les travaux menés par le projet européen Co-Extra, deux scénarii sont envisageables. Si la disponibilité en non OGM baisse (et donc que son prix monte), et que les entreprises importatrices doivent en absorber le surcoût, elles pourraient se désengager purement et simplement de la filière non OGM.
Deuxième possibilité : que l’accroissement du prix des matières premières soit reporté sur la consommation et amène la demande finale à baisser. La part des OGM augmentant, les risques de mélange s’accroîtraient aussi. Ce qui amènerait les entreprises à investir toujours plus pour assurer la ségrégation et maintenir un produit pur (contrôles, traçabilité documentaire…). Le maintien de la coexistence voulue par l’Union européenne est là pour éviter une telle dynamique. Mais la réponse viendra de toute façon de la demande finale : soit les consommateurs sont prêts à payer plus pour des produits animaux nourris à base d’une alimentation sans OGM, soit ils se désintéressent peu à peu de ce sujet qui n’en est pas vraiment un, scientifiquement parlant en tout cas. Auquel cas les filières bétail non-OGM ne verraient jamais le jour en France.