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Sobriété et performances énergétiques, l’équation de demain

Concilier sobriété et performances dans l’agroalimentaire : l’équation est sur la table pour répondre à la vague inflationniste qui submerge tous les secteurs économiques. Mais comment la résoudre ? Tour d'horizon.

L’équation se retrouve aujourd’hui au centre de toutes les discussions, de toutes les réflexions. Elle est la thématique centrale du plateau Usine du futur du Carrefour des industries alimentaires (CFIA) qui ouvre ses portes du 14 au 16 mars 2023 à Rennes. Personne ne peut y échapper, tant le coût de l’énergie ramené au chiffre d’affaires ne cesse de progresser.

Selon un échantillon significatif sondé fin novembre, parmi les 200 adhérents de l’Association bretonne des entreprises alimentaires (ABEA), « ce ratio se situait à 2,1 % en 2021, il a bondi à 5,14 % en 2022 et pourrait encore progresser cette année », explique Clothilde d’Argentré, chargée de mission environnement et RSE à l’ABEA. Il y a trois ans, l’idée de la sobriété dans l’industrie n’intéressait guère. Pour certains, elle était même synonyme « d’un retour à la bougie », ironise Jean-Luc Perrot, directeur de Valorial, corganisateur du plateau Usine du futur du CFIA avec l’ABEA et Bretagne Développement Innovation (BDI, agence économique de la Région) en maître d’œuvre.

Mais avec le redémarrage de l’activité économique mondiale en période post-Covid en 2021, puis le déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022, la sobriété est désormais stratégique. Le plateau présenté au CFIA a été constitué « à l’issue d’un appel à manifestation d’intérêt auquel une quarantaine d’entreprises – IAA, équipementiers, intégrateurs, fournisseurs de solutions innovantes – ont candidaté », explique Christian Blandel, expert numérique et transition alimentaire de BDI. La vingtaine d’entreprises retenues constitue neuf groupes pour autant de thématiques : l’énergie, mais aussi l’eau, les ressources humaines, etc.

L’importance du data management

Quels sont les secteurs les plus énergivores de l’industrie agroalimentaire ? « Ce sont principalement les procédés de déshydratation – typiquement les sites de production de poudres de lait – et de cuisson », résume Stéphane Lecointe, chargé de mission décarbonation de l’industrie à l’Ademe pour la Bretagne et les Pays de la Loire. Ces dernières années, les industries les plus fortement consommatrices ont fait progresser leurs systèmes de production d’énergie. Les certificats d’économie d’énergie ont remporté un franc succès. Différentes actions ont été conduites (notamment par l’ABEA) pour inciter à la sobriété.

Mais vu la hauteur du mur des inflations aujourd’hui, il faut passer un nouveau cap. Pour y parvenir, il est indispensable de commencer par le départ : mesurer ses consommations. « On pourrait facilement gagner 10 % sur la consommation d’énergie si on en avait une très bonne connaissance », assure Stéphane Lecointe. Sur le marché opèrent nombre de sociétés de services à l’industrie capables de fournir aux acteurs les outils d’analyse de leurs consommations d’énergie. Très présents dans les outils, les capteurs produisent une masse de données pas toujours utilisées.

Présent sur le showroom du CFIA, le groupe Ovalt (Betton, Ille-et-Vilaine), spécialisé dans les services à l’industrie (électricité industrielle, robotique, etc.) propose son expertise en matière de data management. « Il est possible aujourd’hui de s’assurer que le rendement énergétique d’une ligne de production corresponde bien à ses besoins », explique Amandine Guichard, directrice de la communication d'Ovalt.

Des gisements d’énergie à récupérer

Tous les acteurs positionnés sur la consommation d’énergie ou la décarbonation voient depuis quelques mois les demandes décoller. « Il y a des gisements à explorer dans la récupération de chaleur pour les orienter vers d’autres besoins sur site », poursuit Stéphane Lecointe. Des systèmes de récupération peu rentables par le passé le sont aujourd’hui. Des chaudières biomasses remplacent avantageusement les chaudières à gaz.

Se développent également les systèmes de recompression mécanique de vapeur, en séchage de lait notamment. La sobriété, ce sont encore des organisations de production repensées, de l’économie circulaire, des boucles de réutilisation de matériaux, de refit d’automatismes, etc. Par exemple, Ovalt teste depuis peu la plateforme de réemploi industriel Bluemarket.

Enfin, certains évoquent l’idée d’intégrer en production plus de basses technologies (low-tech) demain, voire de réduire la taille des outils industriels pour les rapprocher des bassins de consommation. On le voit, l’idée de la sobriété est une grosse consommatrice d’énergies créatrices.

Du service énergétique

Pour viser à une plus grande sobriété énergétique, les industriels s’attellent à connaître précisément leur consommation. Dans ce domaine, Atl-en-tic (Rennes, Ille-et-Vilaine) s’est fait une spécialité de proposer « une offre sur-mesure » reposant sur les compétences (capteurs, intelligence artificielle, production et stockage d’énergie, flexibilité sur le réseau électrique, bureau d’études) des cinq sociétés qui la composent. Constituée en 2018, Atl-en-tic a vu son activité accélérer depuis septembre 2022. Pour l’instant, les industriels qui font appel à ses services cherchent prioritairement à produire une partie de leurs besoins électriques, notamment par la pose de panneaux photovoltaïques. Mais rapidement, ils prennent conscience de l’étape d’après, la maîtrise de leur consommation. Les sociétés ayant généralement beaucoup de données qu’ils ne valorisent pas, Atl-en-tic leur propose des systèmes de data services pour qu’elles adaptent leur production d’énergie en plus de leurs besoins. Tous les paramètres de la chaîne de production entrent en ligne de compte. Il est même possible de faire de la prédiction des besoins d’énergie en fonction des prévisions météorologiques.

3 questions à Frédéric Bazantay, directeur de Pôle Cristal

« Repenser les utilités énergétiques par les usages »

Que vous inspire l’idée de concilier sobriété et performances industrielles, demain dans l’agroalimentaire ?

Frédéric Bazantay - Depuis une vingtaine d’années, l’industrie agroalimentaire a investi avant tout dans la performance industrielle tout en travaillant la question énergétique, en particulier avec les certificats d’économie d’énergie. On peut estimer que les gros gains ont été réalisés au niveau de la salle des machines, sur la partie production. Aujourd’hui, avec la flambée des coûts énergétiques, l’équation doit être repensée en introduisant la composante sobriété. Ce qui nécessite de repenser les utilités énergétiques (chaleur, vapeur, froid notamment) en partant des usages, c’est-à-dire de la demande. On peut considérer que sur la récupération d’énergie beaucoup de choses ont été faites, en particulier sur les installations de froid. Pour la demande d’énergie, en revanche, il y a des gisements à explorer. Par exemple, on peut s’interroger sur les surcoûts énergétiques d’un système de refroidissement de produits agroalimentaires recouvert de plusieurs couches d’emballage avant expédition. Ne doit-on pas aussi étudier l’intérêt de maintenir en zone de production une température à 2 °C, alors que 4 °C seraient peut-être suffisants ? L’idée du stockage de l’énergie (la glace, par exemple) produite la nuit et utilisée le jour pour bénéficier des meilleurs tarifs me semble aussi intéressante.

Vous attendez-vous à des ruptures technologiques ?

F. B. - Des solutions techniques existent, d’autres vont encore évoluer. Il reste des verrous à faire sauter, notamment dans ces pompes à chaleur qui remplacent des chaudières à gaz pour un objectif de décarbonation (production d’eau très chaude, de vapeur) pour qu’elles atteignent des températures élevées, jusqu’à 150, voire 200 °C. Il est vain cependant d’attendre des technologies de rupture à court terme. Dans dix ans peut-être, mais à trois ans, je ne les vois pas.

Que pensez-vous de la low-tech, considérant que moins de technologies induiront forcément moins d’énergies ?

F. B. - C’est quelque chose de conceptuel dans l’industrie agroalimentaire : il y a encore peu d’exemples. Dans ce secteur, il y a un besoin intrinsèque de technologies pour viser la performance. Pour travailler la sobriété, les acteurs peuvent avoir recours à des capteurs ou au jumeau numérique de leur processus pour mieux identifier la répercussion de leurs choix sur leur facture énergétique.

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