SNIV : la France manque de leaders dans la viande
«Je vous propose de travailler ensemble à une vraie politique industrielle pour la filière bovine. Une politique qui ne soit pas seulement agricole, mais aussi agroalimentaire », a déclaré hier en assemblée générale le président du Sniv Jean-Paul Bigard. Comme nous l'annoncions dans nos colonnes (LM du 25/09), le syndicat de l'industrie des viandes a appelé les éleveurs, abatteurs, transformateurs, bouchers et distributeurs à moderniser le secteur. En clair, les outils et les pratiques doivent évoluer, pour permettre aux produits français de mieux se différencier. Une structuration, comme celle réalisée au Danemark ou en Allemagne (mais pas forcément sur le même modèle), est jugée nécessaire. Elle serait déjà en route, d'après Alain Loustanau. Le vice-président du Sniv est sûr de son pronostic : « le mouvement de concentration va s'accélérer ».
C'est aussi l'analyse de Philippe Ducroquet. Dans un exposé sur le thème « Quelle riposte pour l'industrie des viandes, face à la montée en puissance de compétiteurs internationaux ? », le DG de l'établissement financier Unigrains a qualifié d'inéluctables les rapprochements d'entreprises. « Le piège de l'esprit de clocher est de penser que l'autre va mourir avant soi », a-t-il dit. Son message est que les groupes français doivent redevenir acteurs de référence en Europe, « avec des usines fortes, un élevage fort ». En 2000, ABC, Socopa figuraient sur le podium des leaders, derrière Danish Crown, largement en tête. Aujourd'hui, l'allemand Vion (CA : 6 M EUR) talonne le numéro un danois (CA : 7,4 M) et Bigard est loin (CA : 2,5 M), en troisième position. « Les leaders français doivent jouer leur rôle de locomotives pour l'innovation et la restructuration, au bénéfice de l'ensemble du secteur », a déclaré Philippe Ducroquet. Pour lui, il faut « s'approprier la culture du profit pour pouvoir relancer l'innovation et faire face à l'émergence de leaders européens. »
N°2 de l’alimentaire
Le secteur des viandes de boucherie en France compte 420 entreprises, peu concentrées. Il se place en deuxième position des industries agroalimentaires, derrière celui du lait, avec 14 Mds EUR de CA, 1,5 Mt de bovin, 2 Mt de porc, 110 000 t d'ovin. Les quatre premiers groupes abattent 66 % des tonnages en bovins (47 % en porcs, 33 % en ovins). Ses performances sont moyennes par rapport aux autres IAA, en termes de rentabilité. Mais, des leaders s'en sortent plutôt bien, comme LDC en volaille. La rentabilité demeure faible, avec 1,4 % de capacité d'autofinancement en viande de boucherie. Mais, elle est récurrente, en dépit des crises.
Philippe Ducroquet a incité les entreprises françaises à s'inspirer de l'esprit conquérant qui anime des concurrents comme les Danois ou les Hollandais. « Notre désavantage est que notre marché est grand. On roupille un peu dessus. Cela n'incite pas à une remise en cause, à une conquête de marché », a-t-il dit. Le DG d'Unigrains a érigé en exemple le secteur du champagne, qui fait preuve d'une grande coordination, entre les professionnels qui tiennent la production et les maisons de champagne qui tiennent les marques. Selon lui, une interprofession forte est un sérieux atout. « Les éleveurs ont intérêt à ce que les entreprises marchent bien. Ils doivent s'appuyer sur des partenariats forts », a-t-il souligné. « Nos entreprises sont très liées à l'avenir des éleveurs », a déclaré Alain Loustanau. Il a aussi insisté sur le besoin de défendre la qualité, dans un contexte de tension sur les prix. Une qualité qui n'est pas seulement synonyme de niche, mais aussi de produits élaborés.