Sensibilité profonde
Un journal sérieux, bien que paraissant le soir daté du lendemain, s’en prend aux agriculteurs pour avoir demandé une détaxation du fioul. Notre confrère argumente que, certes, la hausse du carburant alourdit les coûts, mais que les exploitants détiennent un considérable patrimoine foncier. Autrement dit : pour faire le plein de la cuve, ils n’ont qu’à vendre leurs terres. Le même argument vaut sans doute pour les transporteurs : avant de passer à la pompe, débarrassez-vous de votre camion! J’ignore où certains de mes petits camarades puisent une sensibilité aussi hargneusement anti-paysanne. Le cerveau a des réseaux très complexes pour véhiculer la « sensibilité profonde inconsciente. » J’hésite à vous expliquer comment elle passe par le faisceau cérébelleux direct, grâce à des fibres centripètes qui gagnent le cordon postérieur de la moelle pour se terminer dans la colonne de Clarke ; et par les neurones cérébello-olivaires, olivo-thalamiques et thalamo-corticaux ; et enfin par le faisceau médullo-cérébelleux ventral de Gowers. Évidemment, avec un parcours aussi tortueux, la « sensibilité profonde » peut se perdre en route et conduire à d’étranges égarements. Surtout lorsqu’on parait le soir avec la date du lendemain : quand on ne sait plus où on est, on a du mal à savoir où on va.