Sauvez l’argent !
Guerres, terrorisme, cyclones, sécheresse, pétrole, peste : plus ça va, moins ça va. Des peuples agonisent, des civilisations s’engloutissent, le blé est au prix du sable, le lait vaut moins que l’eau et le vin ne paye plus la sueur des vendangeurs. Tout s’achèvera-t-il dans un wagnérien crépuscule des dieux, mais sans dieux et d’ailleurs sans Wagner, remplacé au pied levé par le Bigger Bang des Stones et de Mick Jagger, 62 ans, gentleman farmer tourangeau - c’est dire où nous en sommes ? « Rari nantes in gurgite vasto » décrivait Virgile : serons-nous bientôt de ces rares naufragés nageant sur un vaste abîme ? Heureusement, quand rien ne va plus, l’argent peut encore aller bien. C’est le cas : les profits explosent, les bénéfices nets s’entassent, les indices boursiers filent vers les plus-hauts. On respire : si le bon gros argent est sauvé, nous le serons aussi. Et s’il faut un jour rendre l’âme, ce sera « dulces moriens reminiscitur Argos », en nous souvenant de ce monde où nous suivîmes gaiement cette triste injonction d’Horace : « Quaerenda pecunia primum est / Virtus post summos ! », « Gagner de l’argent d’abord, la vertu ne vient qu’ensuite ! » Les Anciens n’avaient déjà plus de morale, comment voulez vous que les Modernes l’aient, le moral… sans y perdre leur latin.