« Renouer le lien entre agriculture et agroalimentaire »
Alors que les initiatives pour garantir la qualité de l’alimentation se multiplient, la défiance des consommateurs n’a jamais été aussi forte.
Avec l’étude Woldview 2014, l’agence Protéines analyse la perception que les Français ont de leur alimentation et des entreprises agroalimentaires, pour mieux réengager le dialogue.
Quelles sont les spécificités de votre étude ?
Serge Michels - En octobre 2013, nous avons interrogé un échantillon de 1730 personnes représentatives de la population française par téléphone ou internet. Nous les avons questionnées sur leur vision du monde afin d’analyser leur perception de l’alimentation et leur confiance dans les principaux acteurs agroalimentaires, notamment dans 21 marques. L’approche « vision du monde » consiste à analyser les a priori et les images qui conditionnent la manière de réfléchir des individus : sens, rapport à la nature, au temps, à l’espace, à la science, au progrès, rapport entre les humains etc., dans le but de dégager des pistes de réassurance.
Quelle est l’ampleur de la défiance des consommateurs vis à vis de l’alimentation ?
S. M. - Pour 78,7 % des Français, l’alimentation est aujourd’hui moins saine que celle de leurs parents, et pour 58,8 % les aliments seront moins sains demain. La défiance atteint une ampleur jamais observée, avec pour 77 % de nos contemporains, le souhait d’un retour vers des modes de production traditionnels. Les personnes les plus éduquées sont celles qui ont le moins confiance dans la chaîne agroalimentaire.
À qui les Français font-ils confiance en matière d’alimentation ?
S. M. - Pour 47,2 % des Français, les grandes marques ne disent pas la vérité, avec de grandes variations selon la marque et le secteur d’activité. Les Français accordent plus volontiers leur confiance à des individus tels les médecins, les agriculteurs. Mais deux acteurs nouveaux émergent : les ONG environnementales et les magazines d’investigation. Greenpeace ou WWF ont dépassé la sphère environnementale et se sont imposés comme émetteurs crédibles en matière d’alimentation, notamment chez les personnes les plus éduquées qui leur font le plus confiance (88 %).
Comment sortir de cette défiance ?
S. M. - Pour sortir de cette spirale du « food bashing », dans laquelle celui qui dénigre le plus est le plus crédible, il faut renouer le lien entre l’agriculture et l’industrie alimentaire. Car 64 % des Français comptent sur les agriculteurs pour faire progresser notre alimentation ; 44,2 % pensent que les agriculteurs disent souvent ou toujours la vérité et 77 % souhaitent retrouver des modes de production traditionnels. La confiance dans l’agriculteur est l’une des moins dépendantes de la vision du monde. Il faut également adapter les messages aux différentes cibles. Chez les personnes qui ont confiance dans les entreprises, la taille de l’entreprise est un élément de réassurance, alors que chez celles qui se méfient des entreprises, la taille est source de défiance. Pour ces dernières, c’est le fait de bien traiter ses salariés qui fait plus de sens. Il faut donc proposer des messages qui entrent en résonnance avec la vision du monde des plus défiants, insister sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises et activer les réseaux sociaux.
IDENTITÉ
Serge Michels, diplômé de l’Ecole nationale supérieure agronomique de Toulouse, a pris la présidence du conseil stratégique du groupe Protéines en avril 2014. Il était directeur général de l’agence depuis 2000.
Créée il y a 25 ans, l’agence Protéines est spécialisée dans les questions d’alimentation et de santé et travaille notamment sur la relation produit-marque-entreprise.