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Quelques réflexions déambulatoires sur le syndicalisme majoritaire

Je retrouvai l’autre jour mon ami M. à l’entrée du parc que nous devions traverser. L’air était vif, mais un petit soleil de printemps et de somptueux parterres fleuris incitaient au bavardage. « Que pensez-vous du congrès du Grand-Bornand ?» lui demandai-je. Il me dit : « Je n’y étais pas, mais ce que j’ai lu est un peu décevant. Ou l’on fait de la refondation, ou l’on parle d’autre chose ! Mais surtout pas de ces formules usées, du style pas à droite, pas à gauche, mais devant ! Elles laissent tant de gens sur les côtés ! Ca me fait penser à la formule de François Guillaume pour diminuer les chômeurs et augmenter les débouchés laitiers. Il disait qu’il suffisait de les envoyer apprendre aux petits Tunisiens à manger des yaourts !»

Je souris, mais je lui dis que l’un des points essentiel du congrès avait été d’aborder la question du pluralisme syndical, toujours aussi épineux. « Peut-être est-ce douloureux pour la FNSEA, mais c’est devenu, par sa faute, une réalité incontournable, me répondit-il. Elle n’a pas analysé politiquement ce que sont ses opposants actuels, ce qui lui aurait permis de mieux se re-situer elle-même. »

- Que voulez-vous dire, exactement ?

- « Ecoutez, le Modef, la Confédération paysanne et la Coordination rurale sont ce qu’on pourrait appeler des souverainistes agricoles, de droite et de gauche. Ils s’opposent aux ouvertures européennes et encore plus mondiales. Le Modef a été la seule organisation jadis opposée au gaullisme et au productivisme. La Coordination n’a pas pris le virage des aides directes de 1992. La plus dangereuse pour la FNSEA est évidemment la Confédération paysanne et sa recherche permanente de causes communes avec Greenpeace, les consommateurs ou certains mouvements ouvriers, dans la plus pure tradition soixante-huitarde ! Si leur politique agricole à toutes les trois devait un jour se réaliser, celle de l’Europe et la politique mondiale devraient faire un demi-tour sur place. En d’autres termes : si la Nation et l’Union européenne doivent soutenir financièrement l’agriculture, il faut aussi que celle-ci, à travers au moins une organisation à vocation majoritaire, contribue à porter les intérêts politiques globaux du pays vis-à-vis de l’Europe et de celle-ci vis-à-vis du monde ! Ce n’est pas facile, mais c’est à cela que peut et doit servir une grande organisation agricole qui ne perd pas son âme !»

- Puisque vous parlez politique, vous avez vu que la FNSEA prend ses distances, et demande à ses militants de le faire aussi ?

- « Pourquoi cet effroi soudain du contact avec la politique ? Est-ce pour se dédouaner d’avoir été gaullistes et chiraquien ? La politique agricole est d’abord politique, elle est une vision du monde adaptée à l’agriculture, intégrée dans une vue plus globale ! Et de deux choses l’une : ou bien on en a une, de vue globale, de projet de société, et on se bat pour faire aboutir les valeurs auxquelles on croit ; ou on n’en a pas, et on perd sa substance. J’ajouterais qu’avec maintenant quatre syndicats agricoles, les prises de positions de chacun devraient être simplifiées, on sait dans quel camp se compter. Les actuels scrupules de la FNSEA à l’égard de la politique se comprendraient à la rigueur si elle était toujours l’unique organisation représentative… En fait elle paye aujourd’hui de n’avoir pas accepté naguère les courants internes et les positions régionales.»

- Dans politique agricole, il y a politique, mais aussi agricole…

- « Oui, évidemment. La politique agricole, c’est une triple gestion dans un environnement donné : la gestion d’une population (chefs d’exploitation, jeunes, vieux, effets des restructurations etc.) ; la gestion de productions et services (quantités, qualité, prestations collectives etc.) ; la gestion de territoires enfin, qu’il n’est plus nécessaire de tous consacrer à des productions intensives, mais qui tous sont indispensables au cadre de vie. Il me semble que certains n’ont pas pris conscience de ce que recèle vraiment le découplage pour le syndicalisme lui-même. S’il réussit, on ne pourra plus justifier l’action syndicale seulement par le fait d’avoir obtenu tant de millions pour telle crise, et tant pour telle autre. Et là, il faudra vraiment refonder le syndicalisme, lui donner un sens…»

J’allais lui demander ce qu’il pensait des petits gadgets proposés au Grand-Bornand, genre voyages organisés, mais mon bus arrivait et je pris rapidement congé.

A propos, si vous voulez participer à nos conversations, c’est facile : retrouvez-nous à l’entrée du parc, du côté de la grande grille.

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