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Dosier
Quantifier les émissions de gaz à effet de serre

Quelle est la réelle contribution du secteur laitier aux émissions de gaz à effet de serre ? Les spécialistes travaillent depuis plus de deux ans au niveau international pour choisir les bonnes méthodes de calcul et les paramètres à suivre. De son côté, la filière laitière française multiplie les initiatives pour réduire ses émissions.

Dans quelques jours, du 7 au 18 décembre,
se tiendra à Copenhague au Danemark, le sommet international sur le climat organisé sous l’égide de l’ONU. Ce sommet, qui s’inscrit dans la continuité du protocole de Kyoto arrivant àterme en 2012, devra définir les nouveaux objectifs en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Un des points majeurs de cette rencontre qui réunira près de 15000 personnes de 192 pays, est de fixer des objectifs en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Difficile à l’heure où nous mettons sous presse de prédire quelle place sera réservée à l’agriculture.


A LA FAO

Mais une chose est sûre. La filière laitière mondiale, mise sur la sellette par le rapport de la FAO datant de 2006 « Livestock’s long shadow », veut réagir. Ce rapport estimait à 18 % la contribution de l’élevage mondial aux émissions globales de GES. Un chiffre qui a fait grand bruit dans le Landernau des filières animales. La FAO avait atteint l’un de ses objectifs: engendrer une prise de conscience générale sur le problème des émissions de GES liées à l’élevage. L’organisme international avoue néanmoins une simplification extrême, voire une distorsion, du message. Les fameux 18 % ont été attribués un peu vite aux vaches et au lait au grand dam de la filière laitière. C’est la raison pour laquelle cette dernière, par l’intermédiaire de la FIL, a sollicité la FAO pour revoir ses calculs et ses chiffres afin de préciser la part du lait. L’occasion pour la FAO d’affiner son calcul par production et par grandes régions du monde. Les résultats de ces travaux seront révélés lors du sommet de Copenhague où la FIL a obtenu un statut d’observateur. Quelques premiers éléments ont été exposés au Congrès de la FIL à Berlin en octobre dernier mais sans pouvoir confirmer à ce stade le chiffre présenté en juin dernier par les représentants européens de l’industrie laitière, réunis dans EDA (European Dairy Association).
En effet, ces derniers avaient aussi réagi aux propos de la FAO et commandé un rapport à CE Delft, un organisme néerlandais indépendant de recherche et de consultation. Publié en juin dernier, cette revue bibliographique concluait à une contribution de 3 % aux émissions de GES pour le lait du berceau à la sortie de la ferme, dont 1,2 % pour la seule la production laitière. La transformation, l’emballage et la distribution ressortent à 0,3-0,5 % de l’ensemble des émissions. Cependant,EDA ne veut pas limiter le débat aux seules émissions de GES. « La production, la transformation et la consommation de produits laitiers sont liés fortement à différents aspects du développement durable de la société en Europe. On peut considérer le rôle des producteurs de lait dans les zones rurales, la contribution des produits laitiers à une alimentation saine, mais aussi les actions en faveur du bien-être animal, de l’eau, du développement économique… Nous visons le développement durable pour le secteur laitier européen et pour cela nous privilégions une approche globale », expliquait Luc Morelon, président de la Commission environnement d’EDA, devant des représentants de la Commission européenne.


EN FRANCE

La France défend aussi cette vision et depuis de nombreuses années des travaux sont menés en faveur d’une filière laitière durable. Les experts français sont d’ailleurs largement représentés à la FAO, à la FIL et à EDA et plaident dans ce sens.
Pour formaliser publiquement ces orientations et les inscrire dans une trame cohérente qui révèle l’ambition du secteur, l’interprofession a édité en septembre dernier un livre blanc relatant les efforts déployés pour préserver l’environnement. « Des progrès importants ont déjà été faits, notamment sur la fertilisation des sols. Depuis 1994, des programmes d’investissement dans les élevages ont permis d’optimiser l’utilisation des déjections animales pour fertiliser les terres. L’apport d’engrais chimique azoté a ainsi été réduit de 10 % pour un rendement de culture identique. La progression des rendements a également permis une réduction de la taille du troupeau laitier et une diminution des émissions de GES liées à la rumination des vaches », souligne Marie-Thérèse Bonneau, secrétaire adjointe de la FNPL et membre de la « Task force » environnement du Cniel. L’industrie n’est pas en reste. Ses travaux figurent également dans le livre blanc. Il faut dire que pour l’entreprise un gain en termes d’énergie, d’emballage, de logistique est économiquement intéressant sans parler de l’image positive attenante à ces progrès. Danone a même inscrit l’objectif de réduction des émissions de GES dans la notification des résultats des directeurs généraux de ses filiales. Et ce n’est pas tout. Le spécialiste des produits frais projette d’atteindre comme pour sa marque Evian, la neutralité carbone pour ses marques phares de produits frais en travaillant, en complément de son objectif de diminution des émissions de GES de son activité laitière, sur la compensation de la part des émissions incompressibles. D’autres exemples sont à citer, comme les investissements de plus en plus nombreux dans les chaudières au bois. Le dernier fonds chaleur financé par l’Ademe et le ministère de l’Agriculture « Biomasse Chaleur Industrie, Agriculture » le montre bien : sur 31 projets retenus, 7 projets sont laitiers.

 

PARLER PLUTÔT DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

Toutes ces adaptations ne doivent pas faire oublier que la production laitière française a toutefois de nombreux atouts à faire valoir en matière environnementale, insiste Marie-Thérèse Bonneau : « nos systèmes n’ont rien à voir avec les fermes laitières californiennes. Notre identité repose sur une articulation étroite entre les trois piliers du développement durable: durabilité économique, durabilité sociale et territoriale, durabilité environnementale. Nos exploitations sont restées de taille humaine et transmissibles entre générations. Le secteur laitier est un des plus dynamiques pour l’installation de jeunes agriculteurs. Les systèmes laitiers français se distinguent par un lien au sol important et une forte autonomie alimentaire. En moyenne, 95 % de l’alimentation des vaches est produite sur les terres de l’exploitation. La complémentarité entre élevage et cultures, prônée par les environnementalistes, est de fait notre caractéristique fondamentale : à chaque vache laitière est associé un hectare de terre au sein de nos exploitations. Une autre de nos caractéristiques est la diversité : diversité des systèmes de production, des races, des combinaisons de cultures mises en oeuvre, et des paysages façonnés par nos activités. Cette diversité est aussi liée au fait que la production laitière est peu concentrée, et répartie sur l’ensemble du territoire », détaille-t-elle. Ingrid Svedinger, du ministère de l’Agriculture suédois, place les connaissances des agriculteurs au coeur des travaux de la Suède, actuellement à la présidence de l’Europe, et qui a fait de l’environnement un des sujets prioritaires avec l’objectif de mettre en place des actions immédiate. « Il faut des relations étroites entre les fermiers, les experts agricoles et les industriels pour aboutir à l’adaptation de l’agriculture aux défis environnementaux », a-t-elle exprimé lors d’un séminaire organisé par EDA à Bruxelles.


PLUS DE RÉGLEMENTATION

Ceci devrait passer par plus de réglementation. C’est ce qu’a laissé entendre Stephan Vergote, le représentant de la DG environnement. S’il estime que les émissions de l’agriculture devraient rester stables d’ci 2010 après avoir baissé de 20 % de 1990 à 2007, il rappelle que l’IPTS (Institute for Prospective Technological Studies) considère qu’on peut encore réduire de 25 % dont un tiers avec un coût proche de zéro. « Il va falloir croiser les réglementations pour aller dans ce sens : directives énergie renouvelable, stockage du carbone, forêt, eau, développement rural, production biologique etc. ».
Pour Myriem Driessen de la DG Agriculture et développement durable, « la PAC a eu un effet positif sur la baisse de la contribution de l’Union européenne dans les émissions de GES depuis 1990. Il faut continuer dans ce sens ».
Attention ! s’exclame Marie- Thérèse Bonneau. « Les éleveurs laitiers sont aujourd’hui au coeur d’un paradoxe. D’un côté, la politique économique de libéralisation des marchés incite à l’agrandissement des exploitations, à leur spécialisation et à leur intensification. De l’autre côté, la politique environnementale est déclinée sous forme de contraintes concernant la taille des troupeaux et l’occupation du sol, qui empêchent ces adaptations économiques. Cette contradiction est très mal vécue sur le terrain. Les éleveurs ne comprennent plus ce qu’on attend d’eux. Cette incompréhension est d’autant plus déstabilisante que ces orientations politiques évoluent en permanence et manquent de lisibilité : la PAC a été réformée à trois reprises depuis 2000. Quel chef d’entreprise est capable de faire des choix d’investissement à long terme dans de telles conditions ? »
Il est vrai que si l’agriculture a sa part de responsabilité dans le changement climatique, elle est aussi une des premières à en subir les conséquences, avec un risque pour la sécurité alimentaire, mais également « une partie de la solution », comme le souligne la FAO. Reste à trouver les meilleures articulations pour faire de ce défi une opportunité d’évolution positive pour tout le secteur laitier.

RITA LEMOINE.

LA FILIÈRE LAITIÈRE MONDIALE SE MOBILISE POUR LE CLIMAT

Lors de l’assemblée générale de la Fédération internationale de laiterie (FIL) à Berlin, sept organismes internationaux(1) représentant l’industrie laitière mondiale ont signé le Programme d’action de la filière laitière face au changement climatique. En préambule, la filière laitière souligne sa contribution en matière de durabilité, dans ses trois dimensions : économique, environnementale et sociale. Le programme énonce cinq engagements de la filière, visant à évaluer les émissions de GES, à chercher des outils pour les mesurer, à promouvoir toutes les pratiques permettant de les réduire et à partager et diffuser l’information pour progresser.
L’élaboration d’un cadre méthodologique commun à tous pour évaluer l’empreinte de carbone du lait et des produits laitiers est l’un des volets de ce programme. Ces travaux permettront à l’industrie laitière du monde entier d’adopter une base commune pour calculer les émissions de gaz à effet de serre des produits laitiers et identifier les points à améliorer.
Les industriels laitiers en appellent aussi aux décideurs politiques pour qu’ils assurent un « environnement réglementaire favorable, permettant au secteur de donner suite [à ses] engagements […], sans compromettre la contribution de l’industrie laitière au bien-être nutritionnel et social de la planète ».
Concrètement, de nombreuses initiatives pour une industrie laitière durable sont déjà menées ou planifiées. Un « livre vert » en annexe les répertorie, ainsi que le site www.dairy-sustainability-initiative.org.
Ce programme d’intervention se veut évolutif : des rapports sont prévus tous les deux ans, tant pour indiquer les progrès accomplis que pour signaler de nouveaux engagements ou participants.

 (1) Fil, SAI, GDP, Fipa, Eda, Fepale, Esada.
Pour en savoir plus : www.dairy-sustainability-initiative.org
K28V1HHD_0.pdf (3.4 Mo)
Légende
Dossier du mois de décembre 2009

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