Porc : quelle sera la donne dans un marché ouvert ?
« La baisse des droits de douane sur les viandes porcines des pays tiers apparaît fortement probable», a jugé mercredi Michel Rieu, de l'Institut technique du porc (ITP). Dans une intervention aux Journées de la recherche porcine à Paris, il a évalué la nouvelle donne découlant d'une libéralisation des échanges. « L'ouverture du marché européen entraînera ponctuellement des prix extrêmement bas sur certaines pièces. Mais, il y aura toujours des débouchés plus rentables. Les entreprises devront exploiter encore mieux les secteurs les moins concurrencés».
La bataille s'annonce inégale face aux viandes du continent américain. D'après l'institut, l'étude des prix des principales pièces de porc constatés aux Etats-Unis et exprimés « rendu utilisateur » en Europe montre un avantage concurrentiel pouvant induire des importations sur le marché français. « Pour l'épaule US, les droits de douane actuels sont tout juste protecteurs, a souligné l'économiste. S'ils sont réduits de 30 %, la porte s'ouvrira certaines années. Elle le sera en permanence, avec une baisse de 60 %». Concernant le Brésil, le risque de courant d'air est encore plus fort. Les cours moyens relevés sur place descendent à 0,75 euro/kg de carcasse. Au Canada, les cours moyens dans la province du Manitoba atteignent 1 euro.
L'épaule enfonce la porte
L'appel aux matières premières importées concernerait essentiellement le secteur de la transformation, même si certains créneaux de la consommation en frais ne sont pas totalement à exclure. Au vu de ses entretiens avec les opérateurs français, l'ITP souligne l'adaptabilité du secteur de la charcuterie. La maîtrise des processus industriels permet l'utilisation d'une gamme assez large de matières premières, en particulier sous forme congelée. Dans la mesure où le minerai en provenance des pays tiers satisferait aux critères sanitaires imposés par l'UE, il pourrait couvrir une part importante des fabrications. Les charcuteries cuites « entrée de gamme », les lardons pourraient être concernés, car très largement accessibles à un approvisionnement international. « Les épaules et les poitrines congelées figurent parmi les produits les plus susceptibles d'être importés», a souligné Michel Rieu. Le cas du jambon revêt une importance particulière, compte tenu de sa place dans les fabrications françaises et dans la valorisation de la carcasse. Si le produit cuit supérieur n'apparaît pas exposé, les premiers choix et autres premiers prix pourraient faire appel aux importations des pays tiers, du fait d'une plus grande tolérance vis-à-vis des caractéristiques des matières premières.
Tout cela aura des conséquences négatives sur les prix payés aux éleveurs. « Il est important de bien négocier à l'OMC, notamment sur les règles non tarifaires, a-t-il conclu. Le statut sanitaire, l'agrément des entreprises à l'exportation jouent un rôle important dans la protection du marché. C'est vital de continuer à jouer là-dessus. »