Poivre et sel
L’Europe a parfois l’humour involontaire. à moins que ce ne soit nous qui ayons l’esprit grinçant. Le gouvernement allemand et la Commission européenne tenaient les 17 et 18 avril à Berlin un congrès sur « le potentiel économique des personnes âgées ». Un thème dont les organisateurs avaient tiré la conclusion avant même le début de la manifestation. «Le changement démographique est une chance pour l’Europe » expliquait sans rire le communiqué d’introduction. Peu importe que les chiffres publiés lors de ce congrès fassent froid dans le dos. Peu importe qu’ils rappellent par exemple que le taux de natalité dans l’UE des 25 était de 2,35 en 1970 et qu’il est de 1,52 aujourd’hui. Peu importe que « la catégorie des personnes en âge de travailler », allant de 15 à 65 ans, va diminuer d’environ 50 millions, tandis que le nombre de plus de 80 ans va plus que quadrupler. Non, tout cela n’a pas d’importance, l’enthousiasme est obligatoire car la « silver economy » (poétiquement euphémisée en « économie poivre et sel ») va ouvrir à l’Europe un marché « lucratif, en pleine croissance et créer la tendance au niveau mondial (sic) ». Que l’évolution démographique actuelle ouvre des perspectives intéressantes à certains secteurs du marché des seniors, c’est indéniable. De là à dire que c’est porteur d’espoir, c’est un vilain mensonge, démenti par tous les précédents historiques. C’est bien au contraire parce qu’ils ont retrouvé un taux de fécondité raisonnable, le troisième en Europe après l'Islande et l'Irlande, que les Français ont quelques raisons de croire en leur avenir.