PdT : l’expectative après l’euphorie
Les Marchés : Comment qualifieriez vous la campagne française de pommes de terre de conservation 2006-2007 ?
J.L Gosselin : La campagne 2006-2007 a été réellement exceptionnelle, avec un record absolu de l'exportation (1 800 000 tonnes !), une atténuation de la baisse des achats des ménages, et même un redressement en fin de campagne, et des prix très élevés. La raison : la sécheresse de l'été 2006 et la baisse de récolte en Europe. Incontestablement, la hausse des prix a profité à toute la filière (+20 à +40% au stade expédition, et même plus pour les basiques comme Bintje), et a été répercuté plutôt modérément en distribution (+10 à +20%), sans donc gêner les ventes.
LM : Le panel Secodip sur les achats de pommes de terre par les ménages indiquait dès les derniers mois de la campagne écoulée un ralentissement de la baisse de la consommation. Pour la première fois depuis plusieurs années, la même source constate un redressement assez spectaculaire, de l’ordre de +6 %, pour la période de juillet à novembre derniers par rapport à la période correspondante de l’an dernier. S’agit-il, à votre avis, d’un véritable renversement de tendance durable ou bien d’une évolution conjoncturelle ?
J-L. G : On avait déjà constaté un redressement en fin de campagne passée, et le début de la campagne actuelle est dans cette tendance, avec un net renforcement (+10% en novembre !). On peut apporter quelques explications à cette reprise : la faiblesse de la production des jardins à cause du mildiou, bien sûr, et aussi la baisse des prix de la pomme de terre (-10 % par rapport à 2006), phénomène favorable alors que l’on parle de la hausse du prix des pâtes et du pain, sans oublier les stupidités que l’on continue à entendre sur la soi disant cherté des fruits et légumes.
Il faut aussi tenir compte, je pense, de la poursuite du travail de la filière sur la présentation, les packagings, l’information et la publi-promotion.
Une vocation exportatrice
LM : L’une des caractéristiques fondamentales du marché français de la pomme de terre de conservation est la progression régulière ces dernières années de l’exportation qui représente actuellement plus du tiers de notre production nationale. Campagnes après campagnes, les records des sorties sont battus ; peut-on espérer progresser encore longtemps ?
J-L.G : Il y a eu conjonction de deux phénomènes dans la progression des exportations depuis quelques années. Une tendance de fond d’abord (en Espagne par exemple mais pas seulement) qui voit les producteurs locaux abandonner une culture trop difficile pour eux compte tenu de leurs sols et de leurs conditions climatiques, au profit d’autres spéculations. La pomme de terre française y prend la place des locales, d’autant que sa qualité satisfait mieux les demandes actuelles de la distribution, dont les ventes progressent. Mais il y a eu aussi des facteurs conjoncturels, climatiques (gels, sécheresses, inondations…) qui depuis 10 ans touchent les pays les uns après les autres et dont profite la France, bien placée géographiquement, plutôt épargnée jusqu’ici et dont la technicité des producteurs permet d’être présent sur toute une campagne.
On ne maintiendra donc pas toujours les mêmes tonnages à l’exportation, mais le niveau « normal » a dû doubler depuis 10 ans et doit se situer aujourd’hui à plus de 1 200 000 tonnes.
LM : Nous approchons de la deuxième partie de l’actuelle campagne . Quel bilan tirer de la première et que laisse-t-il présager pour la suite de la saison ?
J-L.G : Nous ne disposons de chiffres que jusqu’à fin octobre ou novembre au mieux ; il est donc un peu tôt pour dire quel profil aura cette campagne. Le début en est cependant difficile avec des problèmes en culture, une pression sur les prix, sans parler des difficultés de transport à l’export. Le potentiel existe cependant pour une campagne relativement équilibrée au niveau européen, si l’on parvient à maîtriser la qualité.