PAC : « les moyens de rééquilibrer les aides »

Les Marchés : Sur quels arguments les éleveurs de bovins viande vont-ils s'appuyer pour que la « boîte à outils » du bilan de santé de la PAC soit employée à leur avantage ?
Pierre Chevalier :La volonté de la FNB, mais aussi des fédérations du lait et des ovins, est d'obtenir un véritable soutien des productions fourragères. Sur la carte de France des revenus, on s'aperçoit que même dans la Manche, les producteurs de lait sur prairies sont défavorisés. Nous nous appuyons sur des chiffres irréfutables, c'est notre ligne de conduite. Parce qu'il y a nécessité de rendre le soutien à l'herbe moins environnemental, plus économique. On pourra aussi tenir un peu compte du maïs fourrage.
LM : Sur quel budget peut-on tabler ?
P.C. :Dans ses perspectives de redéploiement des aides, la FNB avait évalué le besoin à 300 euros par hectare. On peut puiser dans les 10 % du budget global des aides du premier pilier. Mais surtout dans les 25 % des paiements recouplés des céréales, soit une possibilité de 1,2 milliards à disposition. Rapportés aux 11 millions d'hectares de prairies, cela fait un peu plus de 100 euros par hectare. A travers cette possibilité, le ministre s'est donné les moyens d'opérer le rééquilibrage des aides qu'il continue de promettre. Il y a enfin la prime à l'herbe à des fins de biodiversité, soit 65 à 70 euros/ha qui pourront être cofinancés à hauteur de 75 % par Bruxelles, et les 5 % de modulation, soit environ 400 millions d'euros. En considérant ce qui est équitablement transférable, on n'est pas très loin de 200 euros par hectare. C'est un pas significatif.
LM : Les céréaliers vont-ils se laisser faire ?
P.C. :Tous les experts disent que la demande mondiale va s'accentuer. Les prix des céréales sont objectivement à la hausse pour les années qui viennent. Dans le cadre de la préfiguration de l'après 2013, on ne peut concevoir qu'un secteur soit « surdoté ». Cette politique agricole ne serait pas défendable. Les céréaliers doivent considérer que 50 % de leur production va à l'alimentation animale, et que si celles-ci régressent, ce sera à leur détriment. La politique se doit aussi de répondre aux demandes de la société. L'une d'elles est de préserver son indépendance alimentaire pour tous produits.
LM : En quoi l'industrie de la viande va-t-elle profiter des soutiens à l'élevage bovin ?
P.C. : Nous serons dans un an dans une situation difficile d'approvisionnement en viande bovine de nos entreprises. D'un autre côté nous expédions un million de broutards. L'engraissement des jeunes bovins sera favorisé par les soutiens à l'herbe et la PMTVA (prime à la vache allaitante, ndlr). Si la PMTVA avait été découplée, le nombre de vaches allaitantes aurait immanquablement chuté, comme en Irlande. Dans le bassin allaitant, nous allons arriver à des contrats de filière pour conforter l'engraissement.
LM : La PMTVA « recouplée » au nombre de têtes, cela ne favorise-t-il pas les plus gros élevages ?
P.C. : Nous n'avons pas de très gros élevages. L'élevage bovin demande beaucoup de surveillance, des naissances en particulier.
LM : La FNB est-elle dans la meilleure position à la FNSEA pour obtenir un arbitrage en sa faveur, n'ayant pas complètement cotisé…
P.C. : Effectivement, la FNB n'a pas réglé à 100 % sa part, mais cela n'a aucune conséquence sur le relationnel à la FNSEA. Il y a 250 000 éleveurs de bovins adhérents en joignant le lait et la viande. Ça représente un poids très important.