OPA sur la viticulture : Entre fatalité et espoir
Le livre est déjà sorti il y a quelques mois -l'été dernier- mais on ne résiste pas à l'envie de l'évoquer tant il permet d'éclairer quelques-unes des difficultés dans lesquelles se débat actuellement la viticulture française. Le témoignage vaut par les fonctions qu'a longtemps occupées l'auteur, celle de directeur d'une des plus puissantes interprofessions françaises, celle des vins de Bordeaux. Mais ce texte court, qui oscille entre analyse et pamphlet, vaut aussi par la liberté de ton et l'humour dont fait preuve Roland Feredj. Cela donne quelques saillies efficaces. Sur le goût des Français pour les rapports : « La manie des rapports est une mise en pratique du constat accablant, optimiste et lucide selon lequel 'il n'y a aucun problème qu'une absence de solution ne finisse par résoudre'. Les rapports du ministère de l'Agriculture, du Parlement, des organisations professionnelles, sans parler de quelques élucubrations largement subventionnées, encombrent désormais les tiroirs officiels. Il est abusif de dire qu'ils n'ont servi à rien, puisqu'ils ont permis de gagner du temps ».
Sur Bruxelles : «l'Europe n'hésite jamais devant le sacrifice de ses ressortissants s'il s'agit d'apparaître exemplaire sur l'autel du libre-échange.. L'Europe, bonne fille, ouvre sans réserve ses marchés à tous les types de production ; elle tolère aussi bien les pratiques oenologiques qu'elle interdit à ses producteurs, que les usurpations de nos appellations, en renonçant à les défendre avec pugnacité». Mais Roland Feredj ne cherche nul bouc émissaire aux difficultés du vignoble. Il défend la thèse selon laquelle la France a pris le mauvais pli du tout « indication géographique » il y a une vingtaine d'années. « La reconversion du vin de table s'est appuyée sur le pari de l'indication géographique, censée être synonyme de qualité. En mettant quasiment tous ses œufs dans la même barrique, le secteur s'est privé à la fois d'un mécanisme de régulation (la distillation) réservé aux vins de table et d'une diversification de son offre pourtant souhaitée par les professionnels ».
OPA sur la viticulture : Entre fatalité et espoir. De Roland Feredj. Editions Féret. 94 pages. 18 euros.