OGM : pourquoi l'Europe traîne des pieds sur les autorisations
«Ce qu’il faut maintenant, c’est modifier les procédures européennes », estimait mercredi Nathalie Kosciusko-Morizet après le rejet du projet de loi OGM à l’Assemblée nationale. Considérant que ce texte était « bon » dans son « cadre contraint » de la directive européenne, la secrétaire d’État à l’Écologie souhaitait « qu’on tire parti de la présidence française de l’Union européenne pour faire bouger les choses au niveau de l’UE ». Pour des raisons diverses, les pays voisins sont aussi désireux de voir « bouger les choses ». C’est ce que constatent les attachés agricoles d’Espagne, d’Italie, d’Allemagne, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, de Suède et du Danemark dans leur revue Régionale Sillons d’Europe (datée du 13 mai).
La lenteur de la procédure européenne d’autorisation des OGM conduit à interdire l’importation de matières premières pour l’alimentation animale, ce qui taraude les filières animales, témoignent les fonctionnaires du ministère de l’Économie. « La politique de tolérance zéro pour les contaminations fortuites est également un obstacle à l’approvisionnement des éleveurs européens », est-il dit en introduction du dossier spécial « Alimentation animale et OGM ».
L’Espagne sans état d’âme
La question ne fait pas débat en Espagne, important pays producteur de maïs OGM. Le pays est « pour la culture et l’importation d’OGM, sans état d’âme », résume l’attaché agricole de Madrid. Pour autant, le gouvernement espagnol a jusqu’à présent laissé en suspens la transcription de la directive européenne sur la coexistence entre cultures et le régime des responsabilités. Une faille que tentera de combler le nouveau ministre unique de l’Agriculture et de l’Environnement. Par ailleurs, les positions du gouvernement au niveau communautaire n’ont pas toujours paru cohérentes, alternant entre périodes d’abstention et votes favorables.
Les Pays-Bas ont davantage une « approche pragmatique et décomplexée » des OGM. Le pays du port de Rotterdam, où Monsanto s’est installé en rachetant le numéro un néerlandais des semences végétales, est le premier à défendre les autorisations communautaires. Les pouvoirs publics y déplorent « l’incursion dans le processus de décision de préférences qu’ils considèrent comme politiques ». Le Danemark comme la Suède sont pour accélérer les procédures d’autorisation en les basant sur des preuves scientifiques. Mais alors que le Danemark souhaite des « seuils réalistes » de contamination fortuite, la Suède est divisée. Au Royaume-Uni, les éleveurs dont le revenu s’est fortement dégradé sont plus que jamais demandeurs d’aliments importés. Cependant l’opinion publique montre une inclination à refuser les cultures commerciales de fourrages OGM.
L’Allemagne et l’Italie sont à suivre. En Allemagne, la population est totalement contre. Les éleveurs aussi, mais ils réclament depuis plusieurs mois le droit d’importer du maïs OGM pour nourrir leurs animaux. D’où la récente prise de position du ministre allemand de l’Agriculture en faveur d’une accélération des décisions communautaires. A cet égard, l’autorisation d’étiqueter les produits d’animaux nourris avec des aliments OGM mettra les consommateurs devant leurs responsabilités. L’Italie enfin, est divisée entre partisans des produits sous signes officiels de qualité et grandes productions hors sol ou laitière, importatrices de soja et aussi, de plus en plus, de maïs. Les accords régionaux et l’étiquetage seraient-ils des solutions ?