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« Novel Food » : les limites de l’autorisation générique dans la protection des données

La procédure générale d’autorisation pour de nouveaux aliments est décrite dans le règlement (UE) 2015/2283. L’un de ces principes clés est la mise en place d’un système d’autorisations génériques. Pour autant, ce système très ouvert comporte une exception importante de par la possibilité de l’octroi d’une « protection des données ».

Katia Merten-Lentz, membre fondateur de FoodLawScience & Partners.
Katia Merten-Lentz, membre fondateur de FoodLawScience & Partners.
© FLS

La protection des données a été introduite par l’article 26 du règlement sur les nouveaux aliments qui prévoit que la Commission européenne peut, à la demande du demandeur, consentir à ce que les preuves utilisées et nouvellement établies ne soient pas utilisées au profit d’une demande ultérieure, sans l’accord du demandeur initial. Ce régime ne s’applique, toutefois, pas aux notifications, c’est-à-dire aux demandes concernant la mise sur le marché européen, d’aliments traditionnels en provenance de pays tiers.

Exclusivité commerciale

Contrairement à ce que son nom indique, cette protection des données ne consiste pas en une protection de la confidentialité des données ou d’un enregistrement pour la protection de la propriété intellectuelle. Il s’agit, en réalité, d’une exclusivité commerciale qui est accordée au bénéficiaire d’une autorisation pour un nouvel aliment. Ainsi, celui-ci sera le seul à pouvoir mettre l’aliment autorisé sur le marché de l’Union européenne, les données protégées ne pouvant plus être utilisées au profit d’une demande ultérieure pendant la période prescrite (au maximum cinq ans) à compter de la date d’autorisation.

Cette exclusivité vise à récompenser la recherche et le développement et à encourager l’innovation. En effet, les dossiers de nouveaux aliments étant très coûteux, cela permet aux entreprises de bénéficier d’une avance commerciale sur les concurrents potentiels et, ainsi, d’amortir les investissements initiaux. Elle a aussi pour conséquence de contraindre les autres opérateurs désireux de placer sur le marché le même nouvel ingrédient, à soumettre, à leur tour, et sur la base de leurs propres données, une demande d’autorisation.

Un accord commercial avec le demandeur initial

Une autre option consiste à conclure un accord commercial avec le demandeur initial, en vue de commercialiser le produit autorisé (par exemple, sous la forme d’une licence d’exploitation) ou, à tout le moins, d’utiliser les données scientifiques protégées pour leur propre dossier et de faciliter d’autant la préparation de celui-ci.

En toute hypothèse, ces négociations se font entre les entreprises concernées, la Commission européenne n’étant plus impliquée à ce stade. Elle devra, cependant, être informée si un demandeur ultérieur est autorisé à commercialiser le produit, car cela implique de modifier la liste européenne des bénéficiaires de l’autorisation. Le nouveau demandeur devra soumettre une demande d’extension d’usage via la plateforme de la chaîne alimentaire de soumission électronique de la Commission européenne. Cette demande doit inclure une description de l’accord commercial, ainsi que le nom de la partie et une déclaration indiquant que le produit destiné à être mis sur le marché est identique à celui qui a été autorisé.

Cette protection demeurant une exception à la règle des autorisations génériques, trois exigences, strictes, conditionnent son octroi.

La demande de protection doit être introduite en même temps que la soumission du dossier, et établir que les preuves ou données scientifiques sont, non seulement, couvertes par un droit de propriété exclusive au bénéfice du demandeur, mais également, nouvelles/inédites. Surtout, les autorités doivent être convaincues qu’elles n’auraient pas été en mesure d’évaluer, et donc d’autoriser, le nouvel aliment sans les preuves fournies.

Le champ de ce régime de protection est donc bien circonscrit et n’est censé concerner que des demandes ayant nécessité des travaux de recherche et développement coûteux et « sur mesure ».

Il est intéressant, toutefois, de relever que depuis l’entrée en vigueur du règlement, la Commission européenne semble accorder assez facilement cette protection à ceux qui la demandent. En revanche, les accords commerciaux entre les bénéficiaires et des opérateurs concurrents restent, à ce jour, assez rares, mais devraient se multiplier à mesure que les opérateurs auront pris conscience du gain de temps et d’argent qu’un tel partenariat constitue.

Katia Merten-Lentz, membre fondateur de FLS

FoodLawScience & Partners est un cabinet de niche, présent à Bruxelles et à Paris, spécialisé dans les domaines réglementés européens et en particulier, le droit alimentaire. Katia Merten-Lentz est le membre fondateur de ce cabinet. Accompagnée de scientifiques et d’avocats, elle gère toutes les questions agroalimentaires, européennes et nationales et intervient, tant en conseil qu’en contentieux, auprès de toutes les filières et industries du secteur.

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