« Nous avons retrouvé notre fierté d’agriculteurs »
Les Marchés : Qu’est ce qui a changé depuis l’obtention de l’AOC Bœuf « Fin gras du Mézenc », reconnue par décret le 1er septembre 2006 ?
Bernard Bonnefoy : C’est encore un peu tôt pour avoir une appréciation réelle car nous sommes dans notre première année de commercialisation sous AOC. Mais d’ores et déjà, cela a permis de clarifier la situation car un certain nombre d’éleveurs vendaient sous l’appellation Mézenc sans respecter les conditions de production et des bêtes partaient dans des filières parallèles. Aujourd’hui le terme est réservé et l’on ne peut plus utiliser la dénomination Fin Gras du Mézenc en dehors de ceux qui sont dans l’AOC. Mais surtout nous avons retrouvé notre dignité d’agriculteurs et les éleveurs sont fiers de produire. Ici, la vache a priorité sur les voitures !
L.M : Quel est votre marché ?
B.B : Nous commercialisons essentiellement vers les bouchers artisans locaux à 80% et le reste au travers de chevillards car le produit devenant plus connu, nous allons vers des villes telles Lyon ou Saint-Étienne, mais nous ne vendons pas du tout aux GMS. De fait, le marché se fait d’éleveur à boucher ce qui nous permet d’avoir des bêtes conformées exactement au désir des clients du boucher et nous n’avons pas de problèmes d’avant ou d’arrière : tout se vend. Le Fin Gras du Mézenc n’est pas une bête homogène, certains aiment plus de gras que d’autres, ainsi on peut travailler « à façon ». Au niveau de la restauration, Régis Marcon (Auberge des Cîmes) est notre plus belle publicité.
L.M : Comment vous faites-vous connaître ?
B.B : Notre communication est essentiellement locale. Nous faisons des présentations devant les boutiques de bouchers qui en profitent pour organiser des petits jeux avec leurs clients. De fait le Fin Gras est un des éléments forts de l’économie touristique de la région et nous faisons beaucoup de foires, de fêtes et de promotion locale. Le lien au terroir est très fort grâce à la spécificité de notre foin. Nous serons le 6 mars au SIA sur le stand de l’Auvergne. Nous envisageons de créer la Maison du Fin Gras pour accueillir les groupes de touristes ou les classes des collèges pour des visites du site et de ses exploitations. L’important pour nous c’est qu’ici, tout le monde se soit approprié ce produit de terroir et que l’on aille tous dans le même sens pour promouvoir le massif.
L.M : Comment voyez-vous l’avenir de cette appellation ?
B.B : Pour l’instant nous nous préoccupons de nous transformer en organisme de gestion (ODG) et de choisir notre organisme de contrôle qui pourrait être OTC, le grand organisme du sud de la France à Aix-en-Provence, qui regroupe déjà des vins, des huiles d’olives. Dans l’avenir, nous devrions pouvoir atteindre le chiffre de 2 000 bêtes/an En 2006, 366 bêtes avaient été commercialisées, mais nous ne cherchons pas à aller plus loin. Il faut être prudent, l’important restant d’amortir nos coûts. Nous commençons à voir des jeunes s’installer et c’est bien car les installations sont spécifiques. On s’établit à 1 500 mètres d’altitude et on y reste. Il n’y a pas de transhumance, ce sont des conditions de travail rigoureuses et souvent solitaires.