Moins de sel en GMS, mais toujours autant sur la table

Fait indéniable : la consommation française de sel recule tous les ans. Les ventes en grandes surfaces ont accusé - 3,6 % en volume l’an dernier. Cette tendance immuable donne un motif à la Compagnie des Salins du Midi et des Salines de l’Est pour supprimer près de 160 postes en France, sur un total de 750. Elle fait aussi gagner des parts de marché aux sels classés « d’origine » dans le panel IRI Secodip. Cette catégorie comprend deux tiers de sels marins (Guérande, Noirmoitiers, Ré) et un tiers de sels autres (Camargue, Bayonne…). Roman Loison, directeur de la coopérative des Salines de Guérande et pourfendeur de cette cohabitation entre sels artisanaux et industriels, se félicite d’un recul limité (- 1,6 % en volume) du sel de Guérande, leader de la catégorie avec 56 % de part de marché. En valeur, les sels d’origine progressent, jusqu’à se mettre au coude à coude avec les autres sels. Les consommateurs plébiscitent un condiment sorti de la banalité.
Sel caché, non, visible, oui
« Le sel de bouche, de haute qualité, récolté à la main selon la méthode traditionnelle, est généralement clamé dans les produits alimentaires, observe Roman Loison (Salines de Guérande) ; on le distingue des sels cachés et l’industriel qui en emploie réalise un « acte de valorisation ». Le beurre, les chips et snacks, les fromages et charcuteries, sont les premiers à en bénéficier, souvent dans l’esprit de « saler peu mais bien ». Une pincée suffit dans les crackers Delacre « Grain de sel et romarin » (0,6 g de sodium pour 100 g).
Les épices et herbes profitent aussi du souci de cuisiner moins salé. D’après une étude BVA de janvier 2009, 28 % des consommateurs en emploient pour remplacer le sel ou le poivre. Et parmi les personnes pensant que les épices sont bonnes pour la santé, huit sur dix admettent qu’elles permettent de cuisiner moins salé. Les ventes de PHEM (poivres, herbes, épices et mélanges déshydratés) secs se portent bien. Elles sont en progression de 6,8 % en début 2009 (période allant jusqu’au 15 mars), et ont évolué de 6,4 % sur un an. Chez Ducros (McCormick), on n’attribue pas forcément cette performance au remplacement du sel mais plutôt au retour aux fourneaux de la maison et à l’engouement pour la cuisine ethnique plus relevée.
Prompts à soupçonner les produits industriels, les consommateurs ne sont pas pour autant prêts à lâcher la salière. Carole Galissant, responsable nutrition Sogeres, admet que les sociétés de restauration collective peinent à empêcher les convives (le plus souvent des hommes) de saler systématiquement. Renonçant à confisquer les dosettes en restauration d’entreprise, celles-ci réfléchissent, au plan syndical, à en proposer de 0,8 gramme au lieu d’1 gramme. Quant aux personnes âgées, la priorité est qu’elles mangent, « on n’est plus dans l’hyposodé strict d’il y a quelques années ».
Un peu fade pour les adultes
Les cuisiniers sont formés à saler moins grâce aux arômates, aux herbes, aux bouillons de légumes et aux fonds de sauce hyposodés, rapporte la nutritionniste. Les fournisseurs industriels « ont fait d’énormes efforts », assure-t-elle, et les restaurants servent moins de spécialités françaises traditionnellement grasses et salées.
Si les adultes sont enclins à trouver un peu fade la nourriture conforme au PNNS, les enfants, eux, l’apprécient. L’évolution est en marche.