Mauvaises pratiques, résultats : gare aux secrets

Les IAA sont invitées à coopérer avec d’éventuels lanceurs d’alerte dans leurs rangs et l’Observatoire de la formation des prix et des marges, en vertu de la loi Sapin 2 en fin de discussion.
La loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique statue sur les lanceurs d’alerte et l’Observatoire de la formation des prix et des marges. Ce sont deux points susceptibles de contraindre les entreprises de l’agroalimentaire à mieux communiquer en interne et à coopérer avec l’Observatoire. Le projet de loi surnommé Sapin 2 a été adopté le 29 septembre à l’Assemblée nationale. Il doit encore passer au Sénat, mais les deux points cités sont peu susceptibles d’être amendés.
Le titre Ier, traitant « de la lutte contre les manquements à la probité et, en particulier, la corruption », prévoit de protéger les lanceurs d’alerte. Il ne concerne pas que la révélation de faits de corruption ou de manquement à la probité. « Un lanceur d’alerte », définit le texte, « est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, […] ou une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance. » Le champ recouvre les « agissements illicites » ou les « méthodes de production risquant d’attenter à la santé d’autrui, dommages causés à l’environnement ». Les sénateurs et députés ont voulu éviter que le salarié ne déclenche un scandale en s’adressant à des ONG ou la presse. Ainsi le salarié « signale une alerte à son supérieur hiérarchique, direct ou indirect. En l’absence de la diligence du destinataire, le signalement est adressé à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels », précise le texte. La loi protège le poste du lanceur d’alerte : en cas de rupture du contrat de travail consécutive à son action, le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes.
Une astreinte de 2 % du chiffre d’affaires
Le titre V, consacré « à l’amélioration de la situation financière des exploitations agricoles et du financement des entreprises », veut inciter (dans son article 31) les entreprises de transformation des produits agricoles et de commercialisation de produits alimentaires à déposer leurs comptes à l’attention de l’Observatoire de la formation des prix et des marges. « Si elles ne le font pas dans les délais prévus du Code du commerce, le président de l’Observatoire peut saisir le président du tribunal de commerce », est-il écrit dans le dernier texte des députés. L’astreinte en cas de non-exécution est de 2 % du chiffre d’affaires journalier moyen réalisé en France au titre de l’activité concernée. C’était la promesse de Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, prenant acte du non-dépôt des comptes d’acteurs majeurs comme Lactalis.
Le fondement de l’alerte en question
Un amendement voulait faire établir le « caractère fondé de l’alerte » par l’autorité judiciaire ou administrative compétente, ceci dans le respect de l’obligation de confidentialité et des règles procédurales en vigueur. Il avait pour objet de garantir le respect des droits de la défense et éviter l’instrumentalisation du dispositif du lanceur d’alerte et de ne pas mettre en cause, à tort, une personne physique ou morale. Le sénateur François Pillet a néanmoins estimé que « nul n’est compétent a priori, pas même l’autorité judiciaire, pour apprécier le caractère fondé ou non de l’alerte ». L’insertion de cet amendement revenait, selon lui, à affirmer qu’il est possible de déterminer a priori le bien-fondé de l’alerte. Le gouvernement ainsi que les auteurs de l’amendement en sont convenus et l’amendement a été retiré.