Matières premières : les temps ont changé
Alain Decrop : Nous avons le sentiment qu’on arrive à la fin d’une période en ce qui concerne les cours des matières premières. Ils ont beaucoup diminué ces dernières années, du fait de la réforme de la PAC ; on est arrivé à ce qui ressemblait à un plancher en 2002. Et puis il y a eu la sécheresse et une agitation croissante des marchés mondiaux. Cette fébrilité n’est pas le seul fait des matières végétales mais aussi de l’acier, du pétrole, etc. Elle est entretenue par l’appel d’air du développement de l’Asie. Comme nous nous rapprochons de plus en plus des marchés mondiaux des matières premières, qui constituent 80 % de nos prix de revient, les variations de prix ont tendance à se transmettre directement aux aliments composés. Mais il existe des méthodes pour mieux gérer les aléas conjoncturels ; des outils financiers qui ne sont pas toujours faciles à manipuler.
LM : Certains fabricants sont déjà familiers des couvertures à terme. D’autres ne le sont pas. Ce savoir-faire est-il un facteur déterminant de compétitivité ?
AD : Oui, ceux qui n’y sont pas préparés peuvent avoir des accidents. L’arbitrage sur les marchés à terme devient un facteur de concurrence. Parce qu’on ne pourra plus gérer les achats comme on le faisait hier.
LM : Quand peut-on espérer un repli des prix ?
AD : On constate une baisse des matières premières depuis quelques semaines, mais la forte concurrence a fait que la totalité des hausses des aliments n’est pas passée. Il en reste à passer, sur toutes les espèces, en particulier sur le porc et la volaille.
LM : La dépendance des importations est-elle saine ?
AD : Elle a augmenté ces dernières années avec la suspension de l’usage des farines animales. Il ne faut rêver ; même si nous demandons un plan protéines et si des améliorations sont possibles, l’Europe n’a pas la capacité de produire toute la protéine qui lui est nécessaire.