Malbouffe parano, de Michel Leblanc

Michel Leblanc, ancien éleveur de porcs (et de pigeons) dans le Pas-de-Calais, animateur du club Agricultures & Sociétés et conseiller de Louis Ringô, le président de la coopérative nordiste Unéal, endosse, pour son troisième livre, le rôle du défenseur de l'agriculture productiviste contre les peurs de nos contemporains. Certains arguments touchent juste, notamment lorsque ce consultant multicartes démystifie la peur de l'agroindustrie, dont il rappelle la contribution à l'amélioration des conditions de vie. « Contrairement aux idées solidement ancrées, l'agroindustrie, qu'on accuse de nous empoisonner à petit feu, n'est pas un processus récent. Elle naît au xix ^e siècle et participe à la révolution technique qui embrase toutes les nations occidentales », rappelle-t-il avant d'expliquer avec raison que la plupart des produits que nous consommons aujourd'hui, y compris les plus raffinés, ne nous seraient pas accessibles sans l'industrialisation. « Il n'y a pas de producteurs artisanaux de sucre de canne ou de betterave, car cette activité, par nature industrielle, exige une technicité lourde en investissements. C'est un autre métier qui demande d'autres compétences que celles d'agriculteur ». Michel Leblanc est encore dans le vrai lorsqu'il s'indigne des excès de la médiatisation des crises alimentaires. Il se remémore comme nous cette émission de M6 d'un voyeurisme insoutenable sur le jeune malade atteint de Creutzfeldt Jakob, version bovine et se demande lui aussi « en quoi la vision de cette scène atroce a fait grandir la connaissance du public sur le sujet ? ». L'auteur est en revanche beaucoup moins convaincant lorsqu'il aborde des thèmes que manifestement, il connaît peu ou mal, comme ceux du saumon d'élevage (une vive polémique l'a opposé sur ce sujet avec Jean-Pierre Coffe), ou du camembert au lait cru. Ou encore lorsqu'il défend avec beaucoup d'ardeur des causes qui le sont beaucoup moins, notamment en défendant « les champs d'investigation les plus prometteurs des biotechnologies » (que l'on attend toujours) qui permettront, en mangeant, de prévenir ou de guérir des maladies. On ne sait si la fille de Michel Leblanc, à qui il s'adresse, sera tout à fait convaincue.