Ma Bourgogne, centre du monde beaujolais à
Sommes-nous au centre du monde ? En quelque sorte, oui. Pour les habitants parisiens de la planète Beaujolais, ce bistrot-brasserie-restaurant du boulevard Haussmann constitue le pôle et le tropique, l’équateur et le méridien. Voilà : nous sommes ici sur l’axe absolu qui naît entre Lyon et Villefranche, passe entre Morgon et La Chapelle-de-Guinchay, se prolonge jusqu’aux bords de Seine par des voies invisibles et des relais discrets, devient enfin ligne magnétique et courant tellurique entre des lieux connus des grands initiés : le Rubis, la Cloche, le Val d’Or, Serge, Vergne, Chanrion et quelques autres. Mais si tous ces lieux sont des chapelles, des temples, des loges, Ma Bourgogne s’érige en Vatican de cette secte innombrable, adoratrice du divin beuvrage. C’est dans ces murs, sous ces poutres néorustiques, à ce comptoir, que se réunissent les Compagnons du Beaujolais, le jury de la Coupe du meilleur pot, véritable Goncourt des bistrots à vins de Paris, l’association des Francs Mâchons, l’Académie Rabelais, présidée par Jean Herbert (le toujours jeune patron du théatre des Deux Anes), qui attribue chaque année un prix littéraire envié : le poids de l’auteur en beaujolais. Ici, la nouvelle année commence le 15 novembre avec l’arrivée du beaujolais nouveau, dont plus de 700 litres se boivent ce jour là, record parisien et de loin. Louis Prin : ainsi se nomme le bon génie qui règne sur ce lieu singulier ? Sans doute ne s’attendait-il pas à ce destin, le jeune Morvandiau de Tamnay en Bazoy qui, en 1960, abandonne le corps d’élite des sapeurs pompiers . C’est à cette date en effet qu’il décide, avec Marcelle son épouse qui siège depuis à la caisse, familière et marmoréenne, de se lancer dans la limonade… un autre moyen d’éteindre d’autres incendies. Il se saigne aux quatre veines pour racheter au père Charvet ce bistrot de quartier déjà voué aux vins de qualité. Trente ans plus tard, la formule brasserie au rez de chaussée, restaurant au sous sol, attire une clientèle fidèle, qui brave la bousculade pour s’attabler autour de plats simples et d’une bouteille au rapport qualité/prix exceptionnel.