L’optimisme étouffé dans l’œuf
La filière européenne serait-elle sur le chemin d’une nouvelle crise ? C’est en tout cas ce que craignent certains opérateurs, au regard de la chute des cours et d’une offre qui ne semble pas vouloir cesser de progresser.
L’euphorie est souvent un sentiment de courte durée et l’amont de la filière œuf européenne le constate une nouvelle fois. Après un petit trimestre de records de prix, l’heure est à la baisse chronique des tarifs. En France, la tendance nationale officieuse (TNO) de l’œuf calibré a perdu près de 3 euros entre la mi-mars et la fin juin. Et rien ne permet d’assurer qu’une stabilisation aura lieu cet été. Au contraire, beaucoup commencent à craindre un second semestre à des prix planchers, suite à une hausse trop importante des disponibilités. Des craintes nourries par les derniers chiffres disponibles pour le premier semestre.
L’Institut technique de l’aviculture (Itavi) estime à près de 6 % la hausse de la production française sur les six premiers mois de 2010, par rapport à 2009. Chez nos voisins, l’heure est aussi à l’augmentation des volumes. L’Allemagne a quasiment retrouvé son potentiel de production après une année 2009 marquée par la mise aux normes anticipée de ses bâtiments. En Espagne, comme en France, les prix élevés du début d’année ont incité les éleveurs à augmenter leur production, pour profiter d’une meilleure rémunération de leurs marchandises. Une orientation qui n’est pas sans rappeler les années 2003-2004...
Sans oublier qu’à cela s’ajoutent de nouvelles stratégies d’entreprises, l’échéance de la directive « bien-être » approchant à grands pas. La plus fréquente est la construction et la mise en route de bâtiments aux normes de 2012, sans la fermeture des structures préexistantes. Une seconde est la volonté de certaines organisations de décaler leur production dans les anciens bâtiments pour permettre des démarrages sur la fin 2011, et ainsi tenter de gagner quelques mois sur la mise aux normes des bâtiments.
Aucune reprise des tarifs à l’horizon
Le Comité national de la promotion de l’œuf (CNPO) avait raison de craindre l’optimisme ambiant de l’amont. Il avait pourtant tenté de le mettre en garde dès la fin octobre 2009 lors de son assemblée générale, l’incitant « à ne pas se laisser aller à un optimisme excessif devant la bonne activité commerciale » du moment, rappelant que celle-ci provenait surtout d’une baisse de l’offre en Allemagne, et dans une moindre mesure, en France et en Espagne. Neuf mois plus tard, force est de constater que ces recommandations n’ont pas suffi.
Il semble par ailleurs peu probable que la filière soit capable de réagir rapidement, ne serait-ce que par les contraintes techniques liées aux systèmes de production. D’où une fin d’année qui s’annonce très peu réjouissante pour les éleveurs.
Toutefois, la capacité de réaction pourrait être plus rapide qu’en 2004, faute de trésoreries assez solides pour supporter à la fois des pertes de revenus, de nouveaux investissements et une hausse d’ores et déjà annoncée du prix de l’aliment.