Loi Chatel : les grossistes inquiets
Deux amendements adoptés avant l'examen du projet de loi Chatel à l'Assemblée n'ont pas manqué de faire réagir les grossistes, qui voient dans l'un d'entre eux « une instrumentalisation du gouvernement et des parlementaires par un des principaux acteurs des cash and carry ».
L'amendement incriminé, déposé par le rapporteur du texte Michel Raison, vise à codifier (c'est-à-dire inscrire dans le code du commerce) le coefficient de 0,9 affecté au prix de revente pour les grossistes depuis la loi Dutreil de 2005. Cette situation instaurerait, compte tenu de la redéfinition du seuil de revente à perte, un SRP « grossiste » inférieur de 10 % au SRP standard, ce qui pourrait être utilisé par les cash and carry pour mettre en avant quelques produits d'appel et capter la clientèle traditionnelle des grossistes spécialisés. Pour la Confédération française du commerce interentreprises, « cette dérogation au seuil de revente à perte autorise l'introduction de méthodes de commercialisation qui s'apparentent à de la concurrence déloyale », le cash & carry ayant la possibilité de se rattraper sur d'autres gammes de produits, un luxe que n'ont pas les grossistes spécialisés. « Nous avons une diversité de circuits de distribution, et nous assurons la livraison de nos clients. Nous n'offrons pas du tout la même qualité de service » a indiqué aux Marchés Hugues Pouzin. Le directeur général de la CGI estime que « ces méthodes ont pour seul objectif l'éradication minutieuse des circuits de gros spécialisés pour pouvoir augmenter à loisir les prix quand toute forme de concurrence aura disparu ».
À l'opposé de cette disposition, un autre amendement a été adopté, qui vise, lui, à supprimer la disposition autorisée par la loi Dutreil. Soutenu par la CGI, il a été déposé par le député Jean-Paul Charié (connu pour ses prises de positions favorables au petit commerce). « Si elle était maintenue, cette possibilité [d'appliquer un coefficient de 0,9] créerait un avantage discriminatoire aux seuls grossistes aux pouvoirs d'achat les plus importants et aux activités les plus larges » précise le député dans le commentaire de son amendement, dont Les Marchés se sont procuré une copie.
Derrière cette formulation se devinent les Promocash et autres Metro, qui connaissent actuellement une phase d'extension et s'opposent de plus en plus frontalement aux grossistes spécialisés. L'avenir de ces deux amendements contradictoires sera connu assez vite, l'urgence ayant été déclarée lundi sur le projet de loi (ce qui implique une navette parlementaire réduite avec une seule lecture par l'Assemblée nationale et le Sénat). La rapidité des débats mobilise d'autant plus la CGI, qui multiplie les rencontres de dernière minute avec les parlementaires pour appuyer la suppression de ce fameux coefficient.