Litiges à la livraison : le frigorifique prend les devants

L’affluence à la conférence de l’Union nationale du transport frigorifique (UNTF) sur les rapports entre industriels, transporteurs et distributeurs, au SITL, a dépassé les espérances de ses organisateurs, qui ont dénombré 180 personnes, dont une moitié d’industriels de l’agroalimentaire. Cette conférence couronnait la rédaction par la commission « charte et supply chain » de l’UNTF, d’un « accord litige » sur la réception de plateforme de la grande distribution. Cet accord vise à faire appliquer sur les plateformes de la grande distribution (ou de leurs gestionnaires) un procédé dérogatoire au contrat-type en température dirigée, ce dernier étant trop rarement respecté.
Les litiges entre distributeurs et fournisseurs se sont multipliés au cours de ces dernières années. « Il y a eu une dérive très importante depuis le début des années 2000, correspondant à la généralisation des plateformes des GMS », explique Jean-Paul Meyronneinc, délégué général de l’UNTF. « L’explosion des références a entraîné une diminution des commandes unitaires et rendu les lots hétérogènes, avec des DLC différentes. Les flux se sont complexifiés, ils passent par une plateforme de groupage. Les ruptures de charge sont des nids à litiges », commente-t-il. Un exemple symptomatique : le transporteur L’étoile dans les pays de la Loire, prestataire de LDC et de Candia, a dû embaucher ces cinq dernières années plusieurs personnes dans un service après- vente pour régler ceux-ci.
0,5 à 2 euros de perte par tonne de produit
Selon les principes du contrat-type, le transporteur récupère dès sa livraison les « lettres de voiture » (avis de réception conforme) et en cas de réserve, le droit de contrôle contradictoire lui est accordé. Dans la pratique, il récupère souvent tardivement ses lettres de voiture et ne peut réagir de façon adéquate aux réserves. Cette mauvaise application de la procédure met à mal la chaîne du froid, en entraînant des retards dans la gestion des refus en souffrance. L’UNTF évalue les pertes occasionnées et les coûts des litiges entre 0,5 à 2 euros par tonne de produit frais ou surgelé. « Tout le monde est perdant », argumente le délégué général, le distributeur qui risque une rupture de linéaire, les industriels versant une ristourne, les transporteurs qui prennent généralement un litige mineur à leurs frais. La quasi-totalité des montants en jeu, limitée à quelques colis, ne dépasse pas la franchise des assurances. Sur les gros litiges, les assureurs estiment que les prises en charge concernent pour moitié les transporteurs, pour moitié les industriels.
Certaines plateformes, classées confidentiellement en « rouge » à l’UNTF, empêchent tout contrôle contradictoire du transporteur et refusent toute discussion. Elles ne signalent les manquants et avaries que des heures, voire des jours après la livraison, quand la réalité du litige ne peut plus être avérée par un assureur ou un expert. Pendant la conférence, quelques velléités se sont manifestées d’appliquer à la lettre le contrat-type en refusant de livrer.
Un contrôle en deux temps
Le procédé dérogatoire de réception se décline en horaires négociés, transmission préalable d’informations par l’expéditeur, contrôles au déchargement, délai de remise des lettres de voiture, procédures d’indemnisation, etc. Il établit deux niveaux de contrôle à réception :
- une vérification rapide, en présence du conducteur, du nombre de palettes au sol, de la température ambiante et de l’absence de dégâts apparents ;
- un contrôle qualitatif du contenu des palettes et de l’état des colis, dans un délai de trois ou quatre heures au maximum, avant que la marchandise ne parte en rayons.
Si le bordereau récapitulatif de groupage doit être remis immédiatement (au plus tard dans l’heure), les lettres de voitures par position (c’est-à-dire par envoi ou par couple expéditeur-destinataire) peuvent l’être plus tard, mais dans un délai suffisamment court (3 heures maxi), de telle sorte que toutes dispositions (administratives, complément d’assortiment, retour ou recyclage) soient prises au plus vite.
A la conférence, des industriels et transporteurs se sont inquiétés du lancement par Carrefour d’une « procédure de réception simplifiée », source de nouveaux litiges. L’on ose espérer à l’UNTF qu’elle sera compensée par un suivi par code-barre tout au long de la chaîne d’approvisionnement.