L’Irlande entend profiter du manque de boeuf en Europe
Où ailleurs qu'en Irlande une telle rencontre pouvait-elle se dérouler ? Alors que la production bovine stagne, voire régresse un peu partout en Europe, l'île a réussi la performance de maintenir son cheptel bovin et ses capacités d'exportation. Mieux, le premier exportateur de viande bovine d'Europe (1,6 milliard d'euros en valeur l'année dernière) occupe une part croissante sur le marché européen, 97% de ses exportations étant désormais destinées au marché communautaire (voir graphique), et ce dans les plus grandes chaînes des principaux pays.
Rien d'étonnant donc à ce que l'European Meat Forum, que Bord Bia, l'organisation de soutien des exportations alimentaires irlandaises, organisait en début de semaine à Kilkenny, au sud du pays, pour la troisième fois, rencontre un succès croissant, d'édition en édition. Cette année, les industriels irlandais ont ainsi reçu près de 400 délégués du monde de la viande, dont la moitié d'internationaux. Des pointures pour la plupart, acheteurs en viande de la plupart des grandes enseignes européennes et de grandes chaînes de restauration. « L'équivalent d'une capacité d'achat de 220 milliards d'euros », s'est réjoui le communiqué final de Bord Bia.
Aux nombreux fidèles et aux récents convertis à la viande irlandaise, l'organisation officielle de l'agroalimentaire irlandais entendait présenter sa stratégie à cinq ans (2008-2013), inspirée, selon elle, par les changements importants intervenus sur le marché et basée sur les caractéristiques essentielles du bœuf irlandais : une production bovine à l'herbe, bien encadrée par des schémas d'assurance qualité. Les deux mots d'ordre qui l'inspireront dans les années à venir seront donc les suivants : « premiumisation » et différenciation.
Pour illustrer ce propos, les organisateurs ont proposé mardi 10 juin une table ronde sur le thème de la segmentation des viandes premium. Elle a rassemblé quelques-uns des fournisseurs des grandes tables européennes, comme le français Jean Denaux ou le boucher Jack 0'Shea (Londres et Bruxelles) et des représentants de restaurants gastronomiques, comme Kyle Connaughton, le responsable du développement du Fat Duck, le trois étoiles londonien, qui propose à sa carte un Bœuf Royal à base de viande irlandaise.
Une demande d'IGP déposée en 2007
Pourquoi avoir insisté sur le (très) haut de gamme de la viande bovine, alors même qu'une période de demande active, voire de pénurie, semble devoir s'ouvrir sur le marché européen, se sont interrogés quelques participants, industriels irlandais, mais aussi français ? « Parce que, même si nous vendons plus -et mieux- sur le marché européen, les prix y sont encore insuffisants pour garantir le revenu des éleveurs bovins irlandais », a répondu aux Marchés Aidan Cotter, le président de Bord Bia. Lors de la conclusion du forum, ce dernier a annoncé que l'Irlande comptait « accélérer le mouvement » en vue de l'obtention d'une IGP Bœuf d'Irlande, une appellation qu'ont déjà obtenue les Ecossais il y a quelques années. La procédure a été lancée l'année dernière. Aidan Cotten espère la voir aboutir dès 2009. Le bœuf d'Irlande IGP serait ainsi la marque « Premium » par laquelle la filière irlandaise souhaiterait maintenir -et améliorer- la valorisation de sa production bovine sur le marché européen.