L’industrie bovine peine dans le pilotage de la qualité
La qualité de la viande bovine partirait-elle à la dérive ? Pire, les abatteurs auraient-ils renoncé à la piloter ? Voilà des questions qui se posent, au vu d’une étude financée par Interbev. Dix entreprises représentant 80 % de l’activité en 1 re et 2 e transformation se sont confiées à l’Institut de l’Élevage. L’enquête révèle une inadéquation entre le prix d’achat et la valeur technique de l’animal. Des grilles de prix non incitatives entretiennent le statu quo. « La concurrence entre abattoirs et les périodes de pénurie de l’offre ne vont pas dans le sens d’une amélioration de la qualité », analyse Mélanie Richard, chef de projet à l’institut. Les industriels reconnaissent l’importance de la tendreté pour le consommateur. Mais, ils ont du mal à la garantir et à assurer sa régularité. « L’évolution des pratiques va dans le sens d’une réduction de la maturation, préjudiciable à la consommation », note-t-elle.
Plusieurs pistes sont avancées pour mieux piloter la qualité en amont. Il s’agit de mettre en place une réelle différenciation de prix entre animaux à la valorisation différente, d’instaurer des pénalisations et incitations, de contractualiser avec les producteurs. L’adaptation à la demande passe notamment par une meilleure prise en compte du gras, y compris interne. Du point de vue de la tendreté, il convient de mieux respecter la maturation. Sa durée tend à se réduire, à la fois en catégoriel et pour les promotions, en boucherie à cause du travail en flux tendu et du développement du réapprovisionnement, dans les UVCI pour garantir la tenue de la viande, et enfin avec le raccourcissement des délais de commande.
La charolaise épinglée
L’enquête permet d’identifier les problèmes par catégorie d’animaux. Concernant les vaches allaitantes, la tendance est à l’alourdissement des carcasses. Les charolaises ont notamment pris 20 kg en 5 ans. Un problème de débouché est en train de se poser pour les plus lourdes. Il y a peu de place pour la charolaise chez les bouchers et ceux dont le débit diminue veulent des carcasses plus légères, voire s’orientent vers la limousine. Le débouché en rayon LS n’absorbe pas de carcasses lourdes. Avec le développement des UVCI, le plafond de poids diminue. Enfin, le rapport aloyau/cuisse avant se dégrade au détriment de la valorisation.
« La charolaise connaît un problème de valorisation, souligne le chef de département Jean-Claude Guesdon. C’est devenu un animal standard, parfois difficile à valoriser au regard de son prix d’achat relativement élevé. » Les industriels déplorent le nombre excessif de vaches charolaises trop grasses, notées 4 et avec du gras interne. D’une manière générale, la race est décriée pour ses qualités organoleptiques : gros grain de viande, manque de tendreté, hétérogénéité de la couleur, exsudat). « La blonde et la limousine sont en bonne adéquation avec la demande, poursuit-il. Pour la première, il faut cependant ne pas trop augmenter l’offre, et pour la seconde, ne pas alourdir le poids de carcasse. »
Trop de « saucisses »
Du côté des JB de race à viande, l’enquête met en évidence un sureffectif en charolais trop lourds, de plus de 430 kg. L’offre est trop saisonnière et, notamment chez les croisés, trop hétérogène. Il y a trop peu d’écart de prix entre un JB standard pour le marché domestique et un JB haut de gamme pour l’export. Les industriels sont par ailleurs confrontés à un déséquilibre carcasse. Concernant les JB laitiers/mixtes, la saisonnalité reste forte et quelques animaux trop légers, de moins de 280 kg, sont à déplorer, mais l’étude pointe aussi une « bonne substitution aux laitières en GMS » et l’adaptation aux UVCI. Les bœufs sont eux souvent trop gras et les conformations apparaissent trop hétérogènes.
Chez les laitières holstein, un nombre excessif de vaches en état d’engraissement 2 (15 à 20 % selon certains abatteurs) est signalé. Il y a trop de « saucisses » ou « pampines ». Les vaches trop peu conformées (P +, O-) ont souvent des muscles nobles trop fins. Par ailleurs, le gain de poids ne s’accompagne pas toujours d’un gain de conformation et le rapport avant/arrière se dégrade. Sur le plan quantitatif, l’offre de laitières devient inférieur à la demande. Les vaches mixtes sont quant à elles jugées trop grasses, avec un état 4, mais aussi, pour certaines, un état 3. « La viande de vaches mixtes est reconnue pour ses qualités organoleptiques, note Jean-Claude Guesdon. Elle est recherchée et la demande pourrait surpasser l’offre. »