Les vignerons s’interrogent sur la place du vin dans la société
Faut-il interdire le vin ? C’est le thème provocateur qu’avait choisi l’Inter Beaujolais (Interprofession des vins du Beaujolais) pour ses 2es Assises de la presse et du vin. Organisée en ouverture des journées professionnelles de dégustation « Rendez-vous Beaujolais » qui se déroule les 17 et 18 mars dans la région, cette manifestation avait pour but de situer la consommation du vin dans la perspective de sa régulation sociale, biologique et politique. Loin de provoquer un énième face-à-face entre les défenseurs de la filière et les pourfendeurs d’une consommation excessive de vin, ce débat a réuni trois experts qui ont tenté de définir la place du vin dans la société française.
Olivier Assouly, professeur de philosophie, directeur du département recherche et édition de l’Institut français de la mode, a analysé les sources historiques, morales et religieuses des interdits alimentaires et la place du vin parmi ces interdictions. Il a rappelé qu’aucune religion ne prohibait le vin. Les catholiques l’associent à l’image du sang du christ, les versets du Coran condamnent l’ivresse mais pas une consommation modérée et la religion judaïque oblige simplement la conformité du produit sous l’appellation casher. Le philosophe a également rappelé qu’Épinçure considérait la consommation de vin comme un plaisir naturel mais non nécessaire.
Comme un goût de prohibition
Jean-Didier Vincent, neurobiologiste, directeur de l’Institut Alfred Fessard du CNRS a, quant à lui, expliqué les mécanismes du plaisir dans le cerveau. Il a notamment exposé le fait que la consommation de vin répondait au besoin primaire de l’homme de vivre en société et de rencontrer d’autres individus. Enfin, André Kaspi, historien, spécialiste de l’histoire de l’Amérique du Nord, professeur à la Sorbonne, président du comité pour l’histoire du CNRS a dressé un parallèle entre l’époque de la prohibition aux Etats-Unis et les débats actuels dans la société française. Il en ressort qu’une interdiction d’alcool sur un territoire, n’est pas applicable. L’expérience des Etats-Unis a été un échec. Le marché noir c’est développé et le taux d’alcoolisme n’a pas baissé durant cette période.
Que les professionnels se rassurent : après 3 heures de débat, ces experts en sont arrivés à la conclusion, qu’une interdiction du vin en France serait non seulement impossible mais aussi néfaste pour l’état et la population. La filière qui représente un certain poids économique ne pourrait pas être, tout simplement, supprimée. Les taxes récupérées sur les produits alcoolisés sont également vitales pour l’État. Enfin, selon les intervenants, le lien sociologique créé par l’alcool pourrait difficilement être remplacé par un palliatif. Pour conclure cette journée, tous les conférenciers et les représentants de la filière ont rappelé, après cette apologie du vin, qu’il devrait être consommé avec modération.