Les tripiers échaudés par la flambée de la panse
La Confédération nationale de la triperie française (CNTF) s'inquiète du renchérissement des panses de bovin. En un an, les prix ont augmenté d'environ 80 %. Cette situation met en difficulté les fabricants de tripes, qui ont du mal à répercuter la hausse auprès de leurs clients. L'été marque habituellement une baisse des cours, avant une remontée à l'automne. Or, aucun reflux n'est observé. Les panses se négocient en ce moment autour de 1,40 euro le kilo, contre 80 centimes il y a un an. Des niveaux de prix très élevés sont à craindre durant l'hiver, qui correspond à une période de forte demande.
Effet polonais
« La production bovine était suffisante pour alimenter le bassin de consommation constitué par la France, l'Italie et l'Espagne, signale Michel Nenez, secrétaire général de la CNTF. Elle ne l'est plus, depuis l'entrée de la Pologne dans l'Union européenne. » Ce pays pèse autant que les trois autres en termes de demande. Les tripes cuisinées y sont consommées sous forme de soupe, appelée Flakis. « Avant, les Polonais s'approvisionnaient en Amérique latine (Brésil, Argentine). Leur arrivée au sein de l'UE a changé la donne. Comme ils sont contraints d'acheter des matières premières conformes aux normes sanitaires européennes, l'origine Amérique du Sud est hors-jeu. » Tous les flux se concentrent sur le marché intérieur. Résultat, la panse flambe. Un phénomène aggravé par l'appauvrissement de l'offre chez de gros producteurs bovins, dont la France, l'Allemagne, l'Irlande.
Chez le numéro deux de la tripe cuisinée, Michel Haméon, à Saint-Brieuc (Côtes d'Armor), l'inquiétude est palpable. « La matière première est très chère et de grosses difficultés existent pour faire passer des augmentations tarifaires,déplore le directeur général Frédéric Haméon. Nos clients distributeurs ou grossistes restent fermes dans les négociations. Cela fragilise l'entreprise. » La panse représente environ la moitié du prix de la tripe. Son emploi est strictement encadré par un Code des usages, qui définit les ingrédients et recettes. Aucune alternative n'est donc envisageable en termes de fabrication. L'entreprise familiale (3 000 t de produits finis, 9 M EUR de CA) est axée à 70 % de ses volumes sur les tripes cuisinées, à la mode de Caen, au muscadet, à la provençale ou encore à l'ancienne, avec cidre et calvados. « Nous sommes dans une phase délicate,reconnaît le DG . Si les clients refusent une revalorisation tarifaire, il faudra envisager de rompre des relations commerciales. »
Le numéro un du secteur, Tripes Paillard, souligne que le dérapage des prix est général. « Les fonds de sauce connaissent une hausse de 100 % sur les oignons, de 30 % sur les carottes. Il y a aussi le transport, l'emballage... Nos coûts évoluent. La grande distribution répond que le gouvernement veut des prix stables. Comment fait-on ? », demande le p-dg Roland Rebeyrole. Son entreprise, basée à Cany-Barville (Seine-Maritime), réalise actuellement des achats en prévision de la forte période de consommation entre septembre et avril. Face à des Roumains prêts à payer 1,60 euro le kilo de panse, elle craint que le marché ne s'assèche.