Les territoires, objet majeur du développement durable
Comment les territoires ruraux peuvent-ils contribuer, localement comme globalement, à l'atteinte des objectifs de développement durable ? C'est la question que pose l'ouvrage « Des territoires vivants pour transformer le monde », présenté par le Cirad(1) et l'AFD au Salon de l'agriculture.


un des auteurs de ce livre, est actuellement
président du groupe d’experts de haut niveau
du Comité des Nations-Unies sur la sécurité alimentaire.
Encore cette année, le Salon de l'agriculture a fait la part belle aux territoires. Ce sont en effet les territoires et leurs productions agricoles qui obtiennent l'adhésion des 600 000 visiteurs. Un petit tour dans les allées bondées du salon préféré des Français en témoigne. Toutes les régions françaises sont présentes, vantant leurs savoir-faire en matière de fabrication de fromages, de préservation des races bovines, caprines ou ovines, d'entretien des paysages, etc. C'est dire toute la valeur et le sens qu'ils portent. Et aujourd'hui, la conviction est forte pour clamer le lien étroit entre la protection des territoires et le développement durable devenu un sujet planétaire à travers l'agenda 2030 qui transcende les frontières. « Nous sommes engagés dans une dynamique supranationale face à l'agenda 2030 du développement durable et l'accord de Paris sur le climat notamment. Mais il nous faut redécouvrir les espaces infranationaux que sont les territoires », clamait Patrick Caron, du Cirad, lors du colloque organisé avec l'Agence française du développement (AFD) pour présenter le livre Des territoires vivants pour transformer le monde.
La question posée est celle de la construction du processus réglementaire à ces deux niveaux pour accompagner cette ambition, notamment dans les pays du Sud de la planète. « L'agriculture est le premier employeur mondial. On compte 500 millions d'exploitations agricoles dans le monde, mais c'est la première poche de pauvreté dans les zones rurales, avec le risque politique que cela comporte », a alerté Patrick Caron. « Notre conviction est qu'il n'y aura ni prospérité, ni paix, y compris en ville, sans ruralités florissantes. Le territoire n'est pas un cadre passif. Il peut influencer les processus politiques et de régulation », a complété Gaël Giraud, économiste en chef à l'AFD.
ARTICULATION AVEC L'ÉCONOMIE AGRICOLE
Les intervenants sont convaincus que l'avenir du monde se joue au niveau des territoires et que l'articulation avec l'économie agricole est nécessaire pour prétendre au développement durable.
Ces questions sont cruciales en Afrique où, d'ici 2030, 300 millions de jeunes seront sur le marché du travail. Comment garantir à ces peuples l'autosuffisance alimentaire ? La prise de conscience est là. La Côte d'Ivoire s'est ainsi engagée à réserver 10 % de son budget à l'agriculture. Le Sénégal a mis en oeuvre un programme baptisé Plan Sénégal émergent, dans lequel l'agriculture est identifiée comme devant être un des principaux moteurs de la croissance économique et un secteur créateur de richesses et d'emplois. C'est dans ce cadre qu'une charte du domaine irriguée, à laquelle l'AFD a collaboré, s'est construite autour du territoire de la Vallée du fleuve Sénégal, en complément aux lois et textes régissant la gestion et l'utilisation des ressources naturelles (terres et eau). « Cette charte constitue un document de référence établissant les normes d'aménagement, de gestion, d'accès, d'attribution et d'utilisation du domaine irrigué. Son élaboration est le fruit de larges discussions entres les acteurs institutionnels et professionnels, exploitants agricoles et industriels privés, usagers de l'eau et de la terre... », a expliqué Seyni Ndao, directeur général adjoint de la SAED, société dédiée à cette zone géographique de grande culture du riz.
Autre exemple proche de chez nous pour illustrer la nécessité de cette collaboration entre différents acteurs au niveau local, celui des travaux de l'association pour la protection de l'impluvium de l'eau minérale d'Évian (APIEME). Emmanuel Faber, le directeur général de Danone, l'entreprise qui exploite cette ressource naturelle, est convaincu que « la notion d'écosystème est fondamentale ». Il a cité la mise en place par l'APIEME du premier méthaniseur dédié à la protection de l'impluvium classé depuis 2008 zone humide d'importance internationale pour l'environnement et le climat par Ramsar, traité intergouvernemental sous l'égide d'Unesco.
On ose de plus en plus parler de bien communs, qu'il convient de sauvegarder comme la santé, l'eau, les terres agricoles. Il faut cependant un acte politique, national ou international, pour décider qu'un bien est un bien commun.
(1) Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement.