Les syndicats minoritaires frappent à la porte des interprofessions
Fustigée par les syndicats minoritaires, la loi d’orientation agricole ne les aidera pas à s’installer dans les interprofessions. En prévoyant de renforcer le rôle de ces dernières, elle devrait même contribuer à agrandir le fossé entre les syndicats majoritaires qui y siègent déjà, et les minoritaires qui frappent à la porte.
L’exemple est frappant dans le cas du Cniel (Centre national interprofessionnel de l’économie laitière), qui fixe entre autres une recommandation de prix du lait après concertation des trois collèges (industriels, avec la Fnil, coopératives, avec la FNCL et les producteurs représentés par la FNPL, l’organisme spécialisé de la FNSEA).
Exclues du dispositif, la Coordination Rurale et la Confédération Paysanne réclament depuis longtemps le droit de siéger au Cniel, avec comme argument la CVO de 1,22 euro/1000 l acquittée par l’ensemble des producteurs, qui « leur donne le droit d’être efficacement et totalement représentés».
Mais à la FNPL, on ne l’entend pas de cette oreille. « N’importe qui ne peut pas se prétendre représentant des producteurs», estime Thierry Roquefeuil, son secrétaire général adjoint, pour qui la légitimité se construit par la présence aux différents échelons (canton, département, région). Ce qui fait bien souvent défaut aux organisations minoritaires, beaucoup moins représentées sur le terrain.
La baisse du prix du lait, une décision pas acceptée
Si la FNPL remplit ces conditions, les syndicats minoritaires n’ont pas encore cette envergure. « Pourtant, la Fnil et la FNCL ne sont pas contre notre entrée» juge Paul Deloire, secrétaire national de la Confédération Paysanne. Seule la FNPL s’y oppose par la voix de son président Henri Brichart, également président du Cniel. « Les règles de l’interprofession laitière, la plus ancienne de toutes, ont été édictées quand le pluralisme syndical n’existait pas. Mais il serait bon de discuter de la modification de ces règles» ajoute M. Deloire. Le grief tient également à la baisse des prix du lait entérinée par le Cniel, une décision que les syndicats minoritaires n’arrivent pas à accepter de la part de la FNPL. « La fédération négocie les prix à la baisse depuis plus d’un an» déplore Jean-Louis Naveau, président de la toute récente OPL(Organisation des producteurs de lait), issue de la Coordination Rurale.
Une adhésion unanime
Siégeant à la Commission production de l’Onilait, la Coordination, tout comme la Confédération, vote régulièrement contre les décisions entérinées pour marquer son désaccord sur les orientations en matière de politique laitière. C’est ce mécanisme d’opposition qui, pour l’instant, ferme les portes des interprofessions aux minoritaires. Sans oublier que la prise de décision au Cniel, basée sur l’unanimité entre les différents collèges, ne fonctionne que grâce à l’adhésion unanime, une politique de consensus pas forcément ancrée chez les minoritaires.
Pour certains, l’intégration de nouveaux syndicats au sein du Cniel serait synonyme de blocage, tout en rendant les structures plus complexes et moins opérationnelles. Un collège des producteurs devrait être mis en place, avec des participants aux opinions divergentes. « À mon avis, les nouveaux candidats ne mesurent pas à quel point ils bénéficieraient d’un pouvoir s’ils étaient intégrés» juge le directeur général du Cniel Jean-Paul Jamet. Résumant la pensée de son président, M. Jamet n’est pas sûr « que tout le monde soit d’accord pour trouver un consensus» dans le cas de discussions intersyndicales.
On l’aura compris, les nouveaux arrivants sont loin d’avoir conquis leur place. Il leur faudra d’abord faire la preuve de leur représentativité lors des prochaines élections professionnelles, aux Chambres d’agriculture, en 2007. Tiens, voilà une année électorale qui s’annonce chargée...