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Les produits tripiers misent sur le service et l’innovation

Commerçants et industriels du secteur ont réfléchi aux moyens de relancer une gamme à la clientèle vieillissante. Si les produits semi-élaborés ou préparés constituent des solutions, les prix raisonnables de la catégorie pourraient constituer un argument de poids à l’avenir.

La Commission des produits tripiers d'Interbev a organisé un séminaire les 30 et 31 mai pour évoquer l'avenir de la filière.
La Commission des produits tripiers d'Interbev a organisé un séminaire les 30 et 31 mai pour évoquer l'avenir de la filière.
© B. C.

Alors que les modes de consommation évoluent à grande vitesse, comment redonner de l’élan aux produits tripiers ? C’est la question que les représentants de cette famille professionnelle se sont posée lors d’un séminaire de réflexion organisé les 30 et 31 mai par la commission produits tripiers d’Interbev.

Les participants, entreprises de commerce et de transformation et leurs clients, n’ont pas manqué de pointer les faiblesses de leur secteur dans le contexte actuel. Alors que les gammes de viandes ont tendance à se réduire en magasin, l’offre en produits tripiers se caractérise par la grande diversité de ses produits (foie, langue, cœur, cervelle, etc.), de surcroît issus de plusieurs espèces. Une particularité qui explique la difficulté des abats, en particulier bruts, à s’installer dans les rayons de la GMS. « Le rayon abats dans nos magasins est plus ou moins étendu en fonction de la taille des magasins et du choix d’un traitement en atelier ou sous la forme d’UVCI », a témoigné Jean-Manuel Paranhos, le responsable des achats viande de Carrefour. « La difficulté pour les magasins, c’est que deux produits, le foie de veau et la langue de bœuf, représentent souvent à eux seuls plus de 50 % des ventes. Ils sont naturellement les plus mis en avant, car ce sont des produits universels et peu dépendants de la météo. »

Autre difficulté évoquée : l’inadaptation des abats à cuisson lente avec la consommation moderne. « Les produits bruts s’adressent à un public âgé qui sait les cuisiner », a pointé l’étude qualitative menée en amont de la réunion auprès d’une trentaine de professionnels. D’après Kantar *, les consommateurs de produits tripiers sont en effet beaucoup plus nombreux parmi les catégories les plus âgées de la population. 50 % ont 65 ans et plus et 32 % entre 50 et 64 ans, les 35-49 ans ne représentant que 13 % des consommateurs et les moins de 35 ans seulement 5 %.

Lors des débats, commerçants et industriels ont exposé leurs solutions pour contourner ces difficultés. Socopa, acteur majeur en volume, a présenté la gamme Les petits plats du bistrot lancée en 2020 sous un nouvel emballage en skin pack. « Ce conditionnement améliore la présentation des produits, sans résidu de sang, et permet de mieux communiquer », a expliqué Laurent Boivin, directeur commercial de Bigard/Socopa. La segmentation claire par espèce permet de créer un effet de gamme en rayon avec de nombreuses références (foie, cœur, de veau, de bœuf, d’agneau, de porc, etc.).

Proposer plusieurs entrées

Gilles Hirschfell, dirigeant du Tripier alsacien, a insisté, pour sa part, sur la nécessité d’offrir plusieurs portes d’entrée en fonction des consommateurs : « Si les produits crus sont adaptés à une clientèle âgée qui a l’expérience des produits, il faut aussi proposer des produits cuits, semi-élaborés, par exemple à destination des restaurants de collectivités et, enfin, des produits préparés, avec sauce, qui ne demandent qu’à être réchauffés. C’est comme cela que nous permettrons aux nouvelles générations de découvrir ces produits et éventuellement, de les cuisiner à nouveau. »

Le dirigeant a illustré son propos avec le lancement récent de la gamme Elsa et ses p’tits plats canailles, des recettes typiquement alsaciennes comme les noix de joues de porc cuisinées à la crème au raifort. « La cuisson lente permet de bien valoriser des produits dont la matière première est bon marché », a expliqué le dirigeant de l’entreprise, qui a joué la carte régionale en s’associant avec le dernier moutardier d’Alsace, Alélor. « Pour réussir ces projets, encore faut-il disposer d’un distributeur – en l’occurrence Match – prêt à laisser le temps nécessaire à l’implantation du produit », a-t-il poursuivi.

Dans la même veine, Raphaël Elnaggar (sociétés Prodal et LeNaJa à Rungis) a présenté une nouvelle gamme « semi-industrielle » de lasagnes et de hachis parmentier de joues de bœuf, destinée à la GMS et à la boucherie artisanale. « L’effiloché de joues de bœuf que nous utilisons apporte plus de goût et de mâche que la recette originale », souligne le dirigeant qui fait fabriquer depuis un an ces produits par un partenaire en Normandie qui s’appuie également sur la technologie de cuisson lente à basse température.

L’innovation apparaît ainsi comme un levier indispensable pour relancer l’offre et la consommation des produits tripiers. Mais le prix très abordable de la plupart des pièces pourrait bien constituer un autre atout majeur dans une période de hausse des prix. « Le contexte actuel constitue une véritable opportunité de relancer ces protéines bon marché, a estimé Jean-Manuel Paranhos, de Carrefour. C’est un rayon qui mérite d’être animé. »

* Cumul annuel mobile au 31 mars 2022.

Un secteur en quête de cohésion

Dans un secteur très atomisé entre abatteurs de différentes espèces et PME régionales de transformation, ces dernières ont avancé à plusieurs reprises de jouer plus collectif. « Je crois à la nécessité d’un label commun à nos produits », a ainsi expliqué Anne-Marie Talbot, directrice des Tripes Paillard, le spécialiste des tripes à la mode de Caen (2000 tonnes annuelles). « L’opération "Novembre, mois des produits tripiers" a instauré une dynamique commerciale, il faut envisager de l’étendre, peut-être à d’autres périodes », a suggéré la dirigeante, également convaincue de l’intérêt du Nutri-Score pour cette catégorie aux qualités nutritionnelles bien établies. De son côté, Gilles Hirschfell, dirigeant du Tripier alsacien (TBRA), a appelé de ses vœux des rapprochements commerciaux entre les acteurs. « Un certain nombre de nos PME proposent des spécialités régionales qui ont du mal à sortir de leur territoire faute d’organisation et de moyens suffisants », a expliqué aux Marchés l’un des vice-présidents de la Confédération de la triperie (CNTF). « En nous rapprochant, nous pourrions proposer des gammes plus complètes aux distributeurs », poursuit-il.

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