« Les marchés ont besoin de se regrouper »

LM : Quel jugement portez-vous sur la baisse régulière de l’offre d’animaux sur les marchés aux bestiaux ? Un regroupement entre sites vous semble-t-il nécessaire ?
Gérard Poyer : La baisse du nombre d’animaux n’est pas due exclusivement à une baisse de l’offre. Elle est surtout liée au comportement des commerçants, qui se sont organisés pour vendre en direct. Toutefois, les négociants ont toujours besoin des marchés, sources de cotation et meilleure parade à l’hégémonie des grands abattoirs. Si nous réalisions 100 % de nos ventes en direct, nous deviendrions alors de simples commis. C’est pourquoi un pourcentage significatif d’offres doit transiter sur les marchés pour obliger les acheteurs à venir confronter offre et demande. Pour cela, les marchés ne doivent pas perdre de leur consistance. Nous avons besoin de discipline ainsi que d’une plus grande souplesse d’organisation. Cela passe par des regroupements entre marchés. Il est grand temps d’intervenir, pour insuffler un nouveau souffle aux marchés, y ramener de la marchandise, intéresser de nouveaux acheteurs.
LM : L’aval aussi se restructure. Quelles sont les conséquences, sur le terrain, du regroupement entre Bigard et Socopa ?
G. P. : Le renforcement de l’aval est une bonne chose, dans le sens où un contrepoids significatif à la distribution était devenu nécessaire. Bigard a acquis des positions solides, et négociants et producteurs ont de bonnes raisons de s’en réjouir. Sur le terrain, les abattoirs, même issus de la même entreprise, auront toujours besoin de marchandises, et continueront d’être plus ou moins concurrents entre eux. Ce regroupement doit aussi ouvrir les yeux aux autres entreprises. Un vendeur n’aime pas avoir un seul interlocuteur. Si désormais il n’en a plus qu’un pour « Bigard-Socopa », il laissera la possibilité aux entreprises, plus petites et dynamiques, d’intervenir dans les négociations et de prendre des parts de marché. Beaucoup de PME n’ont qu’une vision régionale, or elles ont une carte à jouer. Tout le monde sortirait gagnant d’une concurrence plus vive.
LM : Où en est l’indemnisation des entreprises suite à la fièvre catarrhale ?
G. P. : La circulaire d’indemnisation pour l’année 2008 est sortie. Les modalités sont les mêmes que pour l’année précédente, à savoir une compensation de 5 % sur la perte du chiffre d’affaires sur la base d’un comparatif entre l’année 2008 et les années 2005 et 2006 selon les cas. 2008 a toutefois été consacrée en priorité aux exportateurs et aux professionnels du Sud-Ouest, qui ont vu arriver les sérotypes 1 et 8 à partir du mois de juillet, et qui ont été dans l’impossibilité d’écouler leurs animaux. Désormais, on attend la remontée des chiffres auprès des Draf. D’ici au 15 mai, toutes les entreprises devraient avoir transmis leurs données. On saura alors où en est la demande globale. Le montant de 4 millions d’euros, annoncé officiellement, ne correspond toutefois pas à nos estimations, bien plus élevées et que ne contredisent pas les services du ministère. Tout cela va ensuite être arbitré par un stabilisateur qui, ces deux dernières années, était de l’ordre de 50 %, pourcentage insuffisant et bien inférieur à celui des autres secteurs. Nous sommes actuellement en cours de négociations avec l’État pour revoir ce niveau.
LM : Où en est la suppression de l’imposition forfaitaire annuelle (IFA) ?
G. P. : L’IFA est un sujet qui me tient à cœur. C’est un impôt totalement injuste, puisqu’il est basé sur le chiffre d’affaires et non sur les marges. Or, notre métier est un métier de toutes petites marges mais de gros chiffres d’affaires. Ainsi, quels que soient les résultats de l’entreprise, positifs ou négatifs, on doit s’affranchir en moyenne de 15 000 à 20 000 euros avant de commencer à travailler, ce qui est une somme importante pour nos entreprises. Nous nous étions réjouis il y a deux ans de l’annonce, par Nicolas Sarkozy, de sa suppression pour 2009. On nous explique désormais que sa suppression sera échelonnée jusqu’en 2011, par tranche de chiffre d’affaires. Toutefois, notre fédération a obtenu du ministère du Budget, pour l’année 2008, la possibilité d’un recours gracieux pour les entreprises pouvant justifier d’une perte financière suite à la FCO. Éric Woerth a donné son feu vert aux trésoriers principaux de juger les entreprises au cas par cas et de rembourser cet impôt en partie.
LM : Vous abordez les problèmes des marges. Craignez-vous qu’elles ne continuent à s’amoindrir ? Comment comptez-vous y remédier ?
G. P. : Notre métier a toujours eu de faibles marges. Et les grilles de prix accentuent ce phénomène. Il est évident que nous ne pouvons pas avoir une marge très confortable, car elle est à la limite d’être imposée. Si l’on ajoute à cela des frais sans cesse en augmentation, nos entreprises courent à la catastrophe. Il n’y a qu’un seul moyen de contourner ce problème : c’est la restructuration de nos entreprises, qui se dessine depuis deux à trois ans. La fédération a mis le pied à l’étrier aux commerçants, en leur donnant non seulement des idées, mais aussi des moyens, comme la mise à disposition d’aides immatérielles en relation avec l’office de l’élevage – maintenant FranceAgriMer – et la prise en charge par exemple d’un cabinet de consultants. L’état doit s’engager plus loin pour le secteur privé, nous avons rencontré l’Élysée pour que cela fasse partie de la future loi de modernisation.