Des entreprises et organisations agricoles françaises s’organisent pour profiter de la manne des crédits carbone. Les émissions de gaz à effet de serre « évitées » par la filière des légumineuses rapporteront 1,5 million d’euros aux coopératives de déshydratation en 2012.
L’an prochain, onze coopératives agricoles *, recouvrant une large part des surfaces cultivables de l’Hexagone, feront l’expérience de la valorisation de crédits carbone acquis grâce aux cultures de légumineuses. Cette famille botanique comprend notamment le pois protéagineux, les féveroles, le lupin doux ainsi que la luzerne, qui sont couramment cultivées en France métropolitaine. Les légumineuses sont des plantes riches en protéines qui puisent l’azote nécessaire à leur croissance dans l’atmosphère. La culture de légumineuses n’a pas besoin de fertilisation, un des postes les plus émetteurs de gaz à effet de serre en agriculture. Elle évite donc un certain niveau d’émissions.
Une méthode de calcul a été établie par l’union de coopératives InVivo avec le soutien de la branche Climat de la Caisse des dépôts (CDC), que le ministère de l’Écologie a référencée l’été dernier.
Les crédits carbone représentent des « émissions évitées » de gaz à effet de serre. Ils font partie des « marchés du carbone », comme les quotas d’émission des secteurs les plus émetteurs. Leur monnaie d’échange est la tonne d’équivalent CO2.
6 millions d’euros apportés au secteur en cinq ans
La filière de la luzerne déshydratée a été la première à intervenir sur ce marché, dans le cadre de l’expérimentation coordonnée par le ministère de l’Écologie entre 2008 et 2012.
Coop de France Déshydratation est en convention tripartite avec CDC Climat et l’électricien allemand RW, demandeurs de quotas pour produire de l’électricité à partir de lignite ou de charbon. Les prix convenus avec ces deux acheteurs donnent une moyenne de 10,07 euros la tonne. Un audit vient d’être rendu, qui établit les émissions évitées par la filière en 2010 à 153 410 tonnes au total. Ce tonnage sera attribué par le ministère de l’Écologie (sous réserve de validation). Cela devrait rapporter au début de 2012 plus de 1,5 million d’euros aux coopératives de déshydratation. Elles ont déjà engrangé cette année plus d’un million, qui a servi à amortir les investissements réalisés pour améliorer les bilans énergétiques. Sur l’ensemble de la période de cinq ans, plus de 650 000 tonnes pourraient être évitées et 6 millions d’euros apportés au secteur.
Déshydrater de la luzerne requiert de l’énergie. Les combustibles utilisés sont le lignite, le charbon, le gaz naturel, et de plus en plus les plaquettes forestières, le miscanthus ou le méthane issu de la fermentation de biomasse. L’énergie représente un tiers des coûts de production. Depuis trente ans, la filière est parvenue à diminuer de 60 % l’énergie consommée par tonne de produit fini. Une économie supplémentaire de 20 % est attendue de la technique du préfanage au champ.
Pour estimer les émissions évitées, l’on mesure la fixation du carbone pendant les deux ans où la culture reste en place, restituée au sol. L’on déduit l’énergie consommée de l’implantation de la luzerne à sa déshydratation. Le bilan positif (300 grammes évités par tonne de produit fini) devrait encore s’améliorer.
* Cavac, Maïsadour, Terrena, Axéréal, Terres du Sud, Cap Seine, Sèvre et Belle, Dijon Céréales, Nouricia, Champagne Céréales, EMC2.