Les gros et les petits
Il y a des conjonctions d'événements qui ne trompent pas. Jeudi dernier, Michel Barnier s'est rendu en Provence pour le lancement national du concept « Le petit producteur », une marque collective d'arboriculteurs qui font figurer leur nom et leur photo sur chaque barquette vendue. Astérix contre les Romains, David contre Goliath, l'artisan contre la multinationale : la mise en lumière du petit sous l'ombre du gros fait un retour en force.
La marque Candia avait déjà lancé il y a quelques semaines un lait « solidaire » baptisé : « oui aux petits producteurs ». Et les enseignes (pas les petites, les grosses) jouent la même carte, en tout cas quant il s'agit de faire leur pub. La campagne d'image menée par Carrefour dans la presse ces jours-ci l'assure : l'enseigne « aide les petits producteurs » en leur « ouvrant la porte » de ses magasins. Cet engouement est à rapprocher des grandes manoeuvres qui se déroulent actuellement dans l'industrie européenne de la viande. Un gros, le germano-hollandais Vion, vient d'avaler un autre gros, le britannique Grampian, pour devenir encore un peu plus imposant ; et un très costaud, le brésilien Marfrig, a englouti une multinationale européenne, Moy Park. En gros, quand on fait du bruit autour des petits, les gros prennent du poids en silence. Les débats agricoles européens fonctionnent sur ce même rythme binaire et un rien schizophrène. D'un côté on épilogue longuement sur le meilleur moyen de soutenir une agriculture de niche, notamment via le 2 e pilier. De l'autre, les entreprises d'aval se regroupent inexorablement et les multinationales étrangères s'implantent. Comme disait l’autre, entre les très gros et les tout petits, il n'y aura bientôt plus rien…